martedì 10 giugno 2008

Peut-on envisager une aventure entre un anchois et une poubelle ?

J'avais promis la traduction de l'histoire du basilic... je l'ai ré-interpreté place Saint Eloi à Angers et le basilic est devenu... un anchois ! Et ne croyez pas que j'ai pris le premier animal venu, j'y ai pensé pas mal...

Peut-on envisager une aventure entre un anchois et une poubelle ?
Pendant les premiers jours de mai, une vieille dame de la ville avait acheté Laurent, un anchois, et l'avait déposé dans un aquarium place Saint Eloi, au numéro 1, à droite du garage. Oui, juste là, en face du musée des Beaux Arts. Laurent avait un tempérament exceptionnellement allègre, et il se remplissait de joie pour chaque petit événement. Les douze lampadaires de l'éclairage urbain de la place, de sacrés bavards, se moquaient de lui “ah, cet anchois, ce doit être un esprit simplet pour avoir cette tête de sardine” (voici une expression typique des lampadaires de l'éclairage public).
Il se contentait de ce qu'il avait (ses écailles) et il n'avait besoin de rien d'autre pour vivre (à part la nourriture séchée que lui donnait la vieille dame). Il avait tout de même, lui aussi, un rêve secret.
Depuis qu'il était arrivé, il voyait sans cesse des gens passer. Certains marchaient rapidement, ils savaient où ils allaient, d'autres se promenaient légers et étourdis. La troisième catégorie était la plus étrange. Pantacourts, sacs en bandoulière, regard émerveillé, et... surtout... appareil photo en main! Quand ils apparaissaient, les lampadaires murmuraient “les touristes “10 photographies à la seconde” arrivent”.
Ils arrivaient sur la place, immédiatement leur regard s'élevait, leur tête se penchait, leur cou s'allongeait. Ils faisaient deux pas en avant, deux pas sur le côté, deux pas en arrière. Cela pouvait sembler être une chorégraphie, une danse locale dédiée au musée mais ce n'était pas le cas. L'appareil photo fiché devant les yeux, ils photographiaient la tour, puis le masque, cette belle sculpture au centre, étrangement découpée sur les murs des maisons, puis le musée. Ils cherchaient en réalité comment rendre en photo l'équilibre de cette place à la forme tellement étrange. Ils pouvaient passer des heures à tourner leur appareil, à se tordre le cou, à discuter pour trouver une idée géniale, mais ils n'y arrivaient jamais. C'était toujours trop plat. Le photographe déçu montrait généralement le piètre résultat sur le mini-écran de son appareil photo à son accompagnateur et une grimace commune laissait comprendre que tous deux imaginaient le commentaire qui accompagnerait ensuite l'exhibition de ces photos à leurs amis : “un cauchemar cette place, impossible à photographier!”. Puis les touristes s'approchaient, intrigués, de l'entrée du musée jusqu'à passer la porte.
L'anchois, pendant ce temps, regardait passer les appareils photos et il rêvait et il rêvait d'en avoir un. Il espérait qu'un jour, un touriste distrait oublierait son arme juste devant lui.
Il en discuta longuement avec la porte du garage, à sa droite et ensemble, ils choisirent une stratégie.
Un touriste regardait en l'air quand la porte du garage s'est soudain ouverte, lui donnant un coup et faisant tomber l'appareil juste devant Laurent qui l'attrappa et la cacha dans la trape d'aération à sa gauche.
Le touriste, par miracle, ne se rendit compte de rien. Même les lampadaires restèrent muets.
Je ne vous raconte pas combien il était content notre cher anchois argenté! Il possédait désormais un trésor. Il l'utilisait avec parcimonie, comme quelqu'un qui ne veut pas user un objet précieux. Chaque jour, le musée fermait, il se permettait de prendre une photo, mais une seule. Avant, il regardait attentivement tous les détails autour de lui, il choisissait un coin qu'il n'avait pas encore remarqué et alors oui, il appuyait sur le bouton. Avec le sourire d'un enfant le jour de Noël, et l'air de quelqu'un qui vient de découvrir ce que c'est que l'amour, il éteignait l'appareil et le reposait dans la trape d'aération.
Il ne regarda jamais une seule de ses photos. Le plaisir était seulement dans la contemplation qui précédait le geste et dans l'idée que, si un jour il voulait les voir toutes, il suffisait de mettre en route l'engin.
Peu à peu, Lorenzo réussit à faire les photos de tous les détails de la place qui lui plaisaient et il commença à sentir le besoin de voir autre chose. Il ne voulait pas faire le tour du monde, ça non! Non, il était trop bien sur la place pour avoir l'idée de s'en aller. Il voulait découvrir la place selon un autre point de vue.
Un soir, peu avant la fermeture du musée, il donna l'appareil à une plante qui était juste à côté, dans un grand pot blanc. Le jour suivant, il le donna à une autre et ainsi de suite, jusqu'à la dernière plante alignée en face du musée. La dernière plante avait reçu, d'un touriste étourdi, un téléphone portable, et elle appelait toute la journée ses amis et ses parents, seulement pour appeler quelqu'un. “elle abuse un peu cette plante” disaient les lampadaires.
En fin de compte, chaque plante fut chargée de faire une photo, une seule, et d'un détail de la place qui lui plaisait en particulier. Peu après la fermeture, l'appareil revenait dans l'aquarium de l'anchois et lui regardait le résultat avec une grande attention. Il était fasciné : chaque jour il lui semblait découvrir un détail extrêmement exotique qu'il n'avait pas remarqué tout seul. Et, alors qu'avant il ne regardait jamais ses photos, il passait maintenant des heures à contempler celles des autres.
La présence de cet anchois esthète et un peu marginale, faisait parler tout le monde. Le lampadaire, celui du coin, racontait ce qu'il voyait aux rues adjacentes qui ne pouvaient pas voir la place et voulaient savoir comment était la dernière photo. Il était toujours très excité à l'idée de recevoir l'image et les lampadaires, éternels cancaniers, suivaient avec impatience ses réactions et commentaient tous les clichés.
Il y avait six plantes. La première photographia le buste de l'institut municipal, à droite. La deuxième choisit le masque, vu de derrière. La troisième immortalisa le banc juste en face. La quatrième envoya à Laurent l'inscription 1766 sur le mur qui jouxtait le musée. La cinquième prit le cadenas à gauche.
Un soir fut exceptionnellement émouvant. La dernière plante, celle qui avait le téléphone, prit une photo et la donna à l'anchois. Lui prit l'appareil, l'alluma, ses yeux s'ouvrirent en grand et il commencèrent à trembler et, enfin, ils se remplirent de larmes.
La plante avait photographiait la poubelle des déchets ménagers.
Pour une personne qui en a déjà vu mille des poubelles, toujours un peu abîmées, toujours un peu vieilles, c'est pas terrible d'en découvrir une de plus. Mais lui, le pauvre, il n'en avait jamais vu l'ombre d'une et il ne savait pas qu'il y en avait une sur la place. De l'endroit où il vivait depuis qu'il était arrivé, on ne voyait pas qu'il y avait une poubelle pour les déchets ménagers métallique à deux pas. Et quand il la vit, Laurent pensa tout de suite : “c'est la plus belle chose que je n'ai jamais vu de ma vie”. Et les lampadaires qui commentaient : “il est trop sensible cet anchois”.
A partir de ce moment, la seule chose qu'il voulut faire était s'approcher de la poubelle. Mais il ne savait pas marcher et il ne pouvait pas nager au delà de son aquarium. Par chance, il eut un idée : il demanda à la dernière plante de la place d'échanger l'appareil photo contre le téléphone portable. Il ne s'intéressait plus aux photos, seule la poubelle comptait désormais. La plante réfléchit un peu et puis elle accepta. Dès qu'elle reçut l'appareil, lle se mit à l'utiliser à chaque instant pour chaque détail insignifiant. Laurent, au contraire, quand il eut enfin avec lui le téléphone, attendit un jour avant d'essayer d'appuyer sur une touche. Puis, il demanda le numéro de l'éboueur aux lampadaires et il l'appela, un soir, à la fermeture du musée.
Il lui demanda de faire passer un message à la poubelle de sa part.
“Dites lui que je suis un anchois, que j'habite à deux pas et que je l'ai vue en photo.”
Rien d'autre.
Si, il demanda à l'éboueur de l'appeler pour lui donner sa réponse.
Le lendemain, à la même heure, il l'appela et lui confia ce qu'avait dit la poubelle : “Ah oui, les lampadaires parlent souvent de lui. Qu'est-ce qu'ils sont bavards ces lampadaires. Bon mais j'ai autre chose à faire, il y a une plante ici qui n'arrête pas de faire des photos. Je dois me maquiller et changer de vêtement.”
Les lampadaires dirent : “Ah, l'amour!”
L'anchois jeta le téléphone.
La plante la plus proche le prit et commença à passer un paquet de coups de téléphone à ses amis et à ses parents et.
La porte du garage dit à Laurent que, s'il voulait avoir du succès avec les poubelles, il devait être plus excessif. “L'excès est à la mode, pour plaire, exagère! Tu fais une photo par jour, il te faut 24 heures pour passer un coup de fil... tu est tristement parcimonieux.”
Et les lampadaires “Pauvre anchois rêveur et naïf. Il aurait bien mieux fait de ne pas tomber amoureux. Ainsi, il a perdu la naïveté, l'appareil photo, l'amour et même le téléphone.”
Et pourtant non. Ce n'était pas tout à fait exact.
Il a fallu un peu de temps, mais deux jours plus tard (c'est beaucoup deux jours dans la vie d'un anchois), Laurent retrouva son sourire d'enfant innocent. Il était heureux comme avant quand il papoter avec la porte de garage et se moquait des poubelles coquettes.
Un jour cependant, la vieille dame invita un cousin marseillais à déjeuner. Elle prépara des fouées pour les faire cuire dans son four à bois et on entendit une voix rauque : “les fouées à l'anchoïade, ça te semble faisable ?”
Et les lampadaires qui répétaient : “les fouées à l'anchoïade, ça te semble faisable ?”

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