venerdì 30 maggio 2008

« vabbé puoi andare a nanna »

Locorotondo est si petite que, selon ce qu’on m’a dit à deux reprises, les gens intéressants (entendez par là curieux) ne peuvent pas se louper. C’était semble-t-il évident que je rencontre Lina, mon panda de libraire, puisque je fréquente les librairies et que je parle aux gens. C’était impossible que je ne remarque pas Cesare, avec ses moustaches de clown, son pantalon orange et son air lunaire. Et je ne pouvais pas non plus rater Lillo, le poète errant qui passe la moitié de son temps à écrire et l’autre à flâner dans la rue. Lillo est journaliste quand des journaux l’emploient, poète quand il trouve l’inspiration et la plupart du temps, il flâne (comme Clara) dans Locorotondo en se faisant traiter de fainéant par la plupart de ses amis.
Cesare est clown et il fait des spectacles de marionnettes quand le coeur lui en dit et quand il ne travaille pas à l’hôpital. Il m’a demandé une petite histoire pour en faire un spectacle pour les enfants. Etant donné ce qu’il m’avait dit sur les « poly-demandeuses », je ne pouvais pas résister à la tentation de lui inventer une petite princesse (française) qui n’arrête pas de poser des questions. Voici l’histoire de ma petite angevine. Je l’ai écrite pour lui en italien. Pour vous je l’ai traduite en français. Enfin, « traduite » est un bien grand mot… autant « traduite » que je suis capable ! (C'est-à-dire « réinterprétée ») Quoi qu’il en soit, je vous conseille de jeter un coup d’œil aux deux versions...



Le site de Cesare (que je n’ai pas eu le temps d’aller voir étant donné que mes minutes sur internet sont comptées !!) http://www.lucesare.it/
La Princesse italienne
Il était une fois une princesse italienne qui adorait poser des questions. Elle était capable de poser des questions sur tout et n’importe quoi, mais vraiment n’importe quoi. Elle habitait dans un grand trullo à Alberobello dans l’Itria, une vallée très très verte.
A chaque fois qu’elle rencontrait un étranger, elle lui demandait quel était le plus bel endroit qu’il avait vu. Tout le monde répondait toujours la même chose, sans hésiter, sûr et fier : « les pays de la Loire ! » Certains préféraient la Vendée et son île de Noirmoutier, d’autres avaient adoré Nantes et les derniers rêvaient d’habiter dans le château d’Angers. (là je suis en train de me demander si ma réinterprétation est vraisemblable, surtout pour Noirmoutier en fait !!!)
Un jour, au petit déjeuner, son père prononça le mot « matrimonio » (mariage). Le lendemain, il recommença et il le dit aussi en déjeunant. Le troisième jour, il l’a même répété en dînant. Quand enfin il le dit au goûter, la princesse décida de partir chercher un mari dans les Pays de la Loire, même si elle ne savait pas du tout comment y aller.
Elle mit une robe rouge et quelques culottes dans un sac à dos et partit.
Elle marcha, marcha, marcha.
De temps en temps, elle demandait à un passant : « s’il vous plaît, pouvez vous me dire où sont les Pays de la Loire ? »
La réponse était toujours la même : « Oui princesse, il suffit de monter »
Ainsi, elle monta, monta, monta, et un jour, elle arriva à Angers.
Elle était émerveillée. Elle vit une fouée et elle pensa que ce devait être un chapeau. Elle le mit sur sa tête et trouva que ça lui allait très bien. Elle vit le château et pensa : « waou ! Plus beau que mon trullo, je veux habiter là moi ! » Elle le loua (elle était pas franchement pauvre notre princesse).
Et puis avec tous ces gens qui la saluaient, l’invitaient chez eux, lui faisaient goûter des rillettes et du poisson au beurre blanc, elle pensait être arrivée dans un monde magique.
Un soir, elle sortit en discothèque et elle essaya la danse locale. Un jeune homme, voyant qu’elle était étrangère lui apprit à danser et toute la nuit, ils dansèrent, dansèrent, dansèrent. C’est justement en dansant qu’ils tombèrent amoureux, sans échanger un seul mot. Ah, l’amour... !
Seulement le lendemain, quand ils se revirent, ils commencèrent à parler. A vrai dire, c’est elle qui commença à parler parce que lui ne parvint pas à dire la moindre syllabe. La princesse lui fit un paquet de questions sans jamais lui laisser le temps de répondre.
- Que veut dire “un ragoton de fromage”?
- Pourquoi les tours du château ont été rasées?
- Pourquoi certains d’entre vous mangent des chapeaux (en montrant son chapeau-fouée)
- Où mène cette route?
- Qui était le roi René?
- Pourquoi ce quartier s’appelle la Doutre?
- ...
Deux tours de pendule.
Leur histoire d’amour ne dura pas plus longtemps.
Il se lassa et quand elle lui demanda son numéro de portable, il donna celui d’un ami, Nicolas.

Quand la princesse écrivit un sms à Nicolas :
ON SE RETROUVE A 5H? AU MAIL ?
(même dans les sms elle ne pouvait pas s’empêcher d’utiliser ces terribles points d’interrogation)
Il répondit :
A 5H? T’ES SÛRE?
Et elle:
OUI
Quand ils se rencontrèrent, la princesse ne se rendit pas compte de la différence: grand, cheveux châtains, accent du nord, écharpe en laine. Ca pouvait être le même homme. Mais ce n’était pas le cas. C’était Nicolas et Nicolas était différent. Il comprit qu’elle était italienne et il commença à lui poser un tas de questions:
- Où est l’Italie?
- Qu’est-ce que vous mangez?
- Comment est ton trullo?
- Qui est votre Président ?
- Comment dit-on fouée en italien?
- Tu connais les accroche-coeur?
- Et le festival premiers plans?
- Ca va tu n’as pas trop froid?
- Il y a des voleurs dans ton pays?
- Pourquoi es-tu partie?
- Tu aimes le chocolat lindt 70%?
- ...
Deux heures plus tard, elle ne le supportait plus et quand ils se quittèrent, elle lui donna le numéro de portable d’une amie.

La princesse décida de ne plus chercher l’amour et adopta un chat.
Au début, c’état très bien. Elle parlait toute la journée et le chat ne disait rien.
Puis elle se rendit compte qu’en réalité il dormait sans cesse et qu’il était très ingrat. Il partait sans prévenir et il revenait pour manger.
Quelle barbe !
Un jour, le chat ne revint pas et elle pensa avec un certain soulagement qu’il avait trouvé une petite amie. Ah, l’amour...

(Happy end)
Elle dut se convaincre qu’un chat ne peut pas remplacer un homme.
Quand soudain, coup de foudre. Elle vit un homme beau, mais beau, à l’air subtil et tendre, et sans rien contrôler, elle tomba à nouveau amoureuse.
Elle alla le trouver et lui dit tout net : “eh toi, je t’aime”
Et lui : “non parlo francese”
Quel hasard, un italien !
Ils ne se posèrent aucune question car ils savaient déjà tout l’un de l’autre sans se connaître. Ah, l’amour… !
Ils allèrent s’installer à Alberobello et vécurent heureux
...

La princesse s’adresse à Cesare
NON!
Je ne veux pas donner raison au vieux proverbe qui dit “moglie e buoi dei paesi tuoi”. On n’est quand même pas au Moyen Age ! Le XXIème siècle est celui de l’ouverture et de la tolérance. Et pis franchement, Cesare, j’ai quand même pas fait 2000 km à pied pour venir épouser un italien qui roule les rrrr.
Je t’en prie, trouve-moi une autre fin !

Happy end numéro 2
Elle dut se convaincre qu’un chat ne peut pas remplacer un homme.
Quand soudain, coup de foudre. Elle vit un homme beau, mais beau, à l’air subtil et tendre, et sans rien contrôler, elle tomba à nouveau amoureuse.
Elle alla le trouver et lui dit tout net : “eh toi, je t’aime”
Il la regarda dans les yeux avec une intensité extraordinaire et il ne dit mot.
Elle, fascinée, commença à lui parler de sa vie, elle lui posait des questions, elle riait.
Ils furent heureux et elle ne se rendit jamais compte qu’il était sourd et muet.

La princesse s’adresse à Cesare
Un sourd muet??? Ben tiens! J’ai l’air de quoi?
N’oublie pas que je suis une princesse. Cela signifie que, non seulement je suis belle, mais en plus intelligente. Comment je pourrais ne pas me rendre compte qu’il ne parle pas et qu’il ne comprend rien à ce que je lui raconte.
Ca ne me plait pas non plus, allez, Cesare, arrête ton char.

Happy end numéro 3
La princesse eut un mal de dent tellement douloureux qu’elle ne pouvait plus ouvrir la bouche. Le volume sonore des Pays de la Loire descendit d’un coup et quelques habitants pensèrent qu’on faisait une minute de silence national. D’autres imaginèrent que tous les enfants bavards avaient été punis au même instant dans toutes les écoles du pays.
Dans la salle d’attente du dentiste, la princesse, qui n’avait pas dormi pendant trois nuits à cause de sa douleur aiguë, s’endormit. Le dentiste, un beau jeune homme, en la voyant, devinez, tomba amoureux !
Malheureusement pour notre princesse, sa réputation avait déjà fait le tour du canton et le dentiste savait que cette très belle jeune fille posait trop de questions et qu’elle n’était pas supportable plus de deux tours de pendule. Mais elle était tellement ravissante, et le dentiste était tellement charmé, qu’il ne pouvait pas ne pas essayer de résoudre ce problème.
Notre dentiste savait que la mâchoire humaine est magique. En infiltrant une goutte de potion dans une dent soigneusement choisie, il pouvait la rendre muette. Ce qu’il fit, sans scrupule. Ah l’amour!
Ils vécurent heureux dans un beau château et ils eurent plein d’enfants aux dents très blanches.

La princesse s’adresse à Cesare
Elle est bonne! (rire amer)
T’es vraiment dingue si tu crois que je peux accepter un happy end de ce genre là! Tu n’iras pas te coucher tant que je ne serai pas satisfaite !
Allez, dépêche-toi.


Véritable Happy end
La princesse, à la fin, n’était plus tout à fait sûre d’avoir besoin d’un homme pour vivre. Elle se rendit compte de son propre bonheur. Elle vivait dans l’endroit le plus beau du monde et, chaque jour, grâce à ses interrogations perpétuelles, elle découvrait de nouvelles choses sur la vie et sur les autres
Elle était tellement sereine et heureuse que, peu à peu, beaucoup de gens commencèrent à l’envier. Notre princesse n’était pas du tout égoïste et elle voulait que tout le monde puisse profiter de cette joie de vivre si simple. Quand quelqu’un lui demandait comment elle faisait pour être si légère et heureuse, elle expliquait que c’était grâce à la « théorie des questions », un médicament tout nouveau qui permettait de soigner tous les maux du cœur, ceux du corps et ceux de la tête.
Elle racontait que, quand quelqu’un est triste, il doit essayer de s’ouvrir aux autres, s’intéresser à chaque petit détail, poser de questions en tout genre et, peu à peu, le contact humain lui permet de se sentir mieux.
Elle commença à proposer des conférences sur la « magie des questions » et nombreux furent ceux qui vinrent l’écouter, intrigués par cette princesse italienne qui soignait tous les maux avec de simples questions. Elle réussit à convaincre une grande partie de son public et ses interventions étaient une suite continue de questions sans réponse. C’était un point fondamental de sa philosophie de vie : la réponse ne compte pas, seule la question est curative.
Un jour où elle discutait avec un étranger qui venait de l’Angleterre, elle apprit qu’un prince anglais était célèbre parce qu’il soignait les maladies par les réponses.
Selon cette autre théorie, quand quelqu’un va mal, il doit retrouver confiance en soi. Voilà pourquoi il doit répondre à des questions, mais la question n’a aucune importance, ce qui compte c’est de répondre. Cela permet de se valoriser, de se sentir cultivé et intéressant.
Très intriguée, la princesse décida d’aller le trouver en Angleterre.
Elle mit sa robe rouge et ses culottes dans son sac à dos et elle traversa la Manche.
Elle écouta la conférence avec une grande attention : tout le monde répondait sans jamais poser de questions. A la fin, la princesse alla trouver le prince et elle lui posa un tas de questions auxquelles il répondit avec art et talent.
Plus la conversation avançait, plus leurs yeux s’écarquillaient : ils étaient tous deux émerveillés qu’une conversation puisse être aussi agréable. Ils ne virent pas le temps passer et quand finalement elle lui demanda : “on va manger des crêpes?” (allant jusqu’à oublier qu’elle était en Angleterre et plus en France), cela faisait déjà trois jours et trois nuits qu’ils s’étaient rencontrés. Vous avez deviné, ces deux-là, aussi différents que la lune et le soleil, tombèrent amoureux immédiatement. Ah, l’amour... !
Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants bavards qui posaient des questions mais trouvaient aussi des réponses !

La princesse, un grand sourire aux lèvres, s‘adresse à Cesare.
C’est bon, tu peux aller faire dodo.



La principessa francese

C’era una volta una principessa francese a cui piaceva un sacco fare delle domande. Era capace di fare delle domande su qualsiasi cosa, ma proprio qualsiasi. Abitava nel grande castello di Angers in riva alla Loira, un fiume lungo lungo lungo.
Ogni volta che incontrava uno sconosciuto, gli chiedeva, per esempio, qual era il posto più bello che avesse visto. Tutti davano sempre la stessa risposta, senza esitare, sicuri e fieri: “la Puglia!” Chi preferiva il Gargano e le sue isole, chi invece aveva adorato Lecce e chi sognava di abitare in un trullo.
Un giorno, a colazione, il padre pronunciò la parola “matrimonio”. L’indomani, ricominciò e lo disse anche a pranzo. Il terzo giorno, lo ripeté a cena. Quando alla fine lo disse pure a merenda, la Principessa decise di andarsi a cercare un marito in Puglia, anche se non sapeva per niente come andarci.
Mise un vestito rosso e alcune mutande in uno zaino e partì.
Camminò, camminò, camminò.
Ogni tanto, chiedeva a una passante: “per favore, mi sa dire dov’è la Puglia?”
La risposta era sempre la stessa: “Sì Principessa, basta scendere giù”
Così, scese giù, scese giù, scese giù e un giorni, arrivò ad Alberobello.
Era meravigliata. Vide un tarallo e pensò che fosse un anello. Se lo mise al dito e le sembrò un ottimo segno del destino. Vide un trullo e pensò: “Magari! Più bello del mio castello, io voglio abitare qua dentro!” Se lo prese in affitto (mica era povera la nostra principessa).
E poi con tutta quella gente a salutarla, ad invitarla a casa, a farle assaggiare orecchiette e pesce fritto, pensava di essere giunta in un mondo magico.

Una sera, andò a vedere uno spettacolo di spizzica spizzica e provò anche lei la famosa danza pugliese. Un ragazzo vedendo che era forestiera le insegnò a ballare e tutta la notte ballarono, ballarono e ballarono. Si innamorarono proprio ballando, senza scambiarsi una parola. Ah, l’amour... !
Solo quando si videro l’indomani, cominciarono a parlare. A dire il vero, cominciò lei a parlare, perché lui non riuscì a dire la minima sillaba. La principessa gli fece un sacco di domande senza mai lasciargli il tempo di rispondere:
- Cosa vuol dire “sciamanin”?
- Perché i trulli sono fatti a secco?
- Come mai certe persone mangiano degli anelli (facendo vedere il suo, di anello-tarallo)
- Dove porta questa strada?
- Chi era San Nicola?
- Perché queste isole si chiamano diomedee?
- ...
Due giri dell’orologio.
La loro storia d’amore non durò più a lungo.
Lui si stancò e quando lei gli chiese il suo numero di cellulare, diede quello di un amico suo, Pino.

Quando la principessa scrisse un messaggino a Pino:
CI VEDIAMO ALLE 7? DAVANTI A SANT’ANTONIO?
(anche nei messaggini non poteva fare a meno di questo tremendo punto interrogativo)
lui rispose:
ALLE 7? SEI SICURA?
E lei:

Quando si videro, la principessa non si rese conto della differenza: basso, capelli bruni, accento pugliese, occhiali da sole. Poteva essere lo stesso uomo. Ma non era così, quello era Pino e Pino era diverso. Lui capì che era francese e cominciò a farle un sacco di domande:
- Dov’è la Francia?
- Che cosa mangiate?
- Com’è il tuo castello?
- Chi è il vostro presidente?
- Come si dice tarallo in francese?
- Esistono i dialetti?
- Capisci il dialetto alberobellese?
- Non senti troppo caldo?
- Ci sono ladri nel tuo paese?
- Perché sei partita?
- Ti piace la Nutella?
- ...
Dopo un paio d’ore, lei non lo sopportava più e quando si lasciarono, gli diede il numero di cellulare di una sua amica.

La principessa decise di non cercare più l’amore e addomesticò un gatto.
All’inizio, era molto bello. Lei parlava tutto il giorno e il gatto non diceva niente.
Poi si accorse che in realtà dormiva sempre ed era anche molto ingrato. Partiva senza avvertire e tornava solo per mangiare.
Che noia!
Un giorno, il gatto non tornò e lei pensò sollevata che avesse trovato una gatta. Ah, l’amour...

(Happy end)
Si dovette convincere che un gatto non può sostituire un uomo.
All’improvviso, colpo di fulmine. Vide un uomo bello, ma bello, dall’aria sottile e tenera e senza controllare niente, si innamorò di nuovo.
Lo andò a trovare e gli disse chiaro e tondo: “senti, ti amo”
E lui : “Je ne parle pas italien”
Guarda caso, un francese !
Non si fecero domande perché tutto già sapevano l’uno dell’altra senza conoscersi. Ah, l’amour… !
Tornarono a vivere a Angers e furono felici.

La principessa si rivolge a Cesare
NO!
Io non voglio dar ragione al vecchio detto popolare che dice: “moglie e buoi dei paesi tuoi”. Mica siamo nel Medioevo! Il XXI° secolo è quello dell’apertura, della tolleranza. Poi, Cesare, non ho fatto 2000 km a piedi per sposarmi un pallido francese dalla rrr moscia.
Ti prego, trovami un’altra fine.


Happy end numero 2
Si dovette convincere che un gatto non può sostituire un uomo.
All’improvviso, colpo di fulmine. Vide un uomo bello, ma bello, dall’aria sottile e tenera e senza controllare niente, si innamorò di nuovo.
Lo andò a trovare e gli disse: “senti, ti amo”
Lui la guardò negli occhi con un’intensità straordinaria e non disse parola.
Lei, affascinata, cominciò a parlargli della sua vita, gli faceva domande, rideva.
Furono felici e lei non si accorse mai che era un sordo muto.

La principessa si rivolge a Cesare
Un sordo muto??? Ma dai! Che figuraccia!!!
Non dimenticare che sono una principessa. Il ché significa che, oltre ad essere bella, sono anche intelligente. Come faccio a non rendermi conto che non parla e non capisce quello che gli dico?
Neanche questa mi piace, dai Cesare, fammi il piacere...


Happy end numero 3
La Principessa ebbe un mal di dente dolorosissimo sicché non poté più aprire la bocca. Il volume sonoro della Puglia scese di botto ed alcuni abitanti pensarono che si facesse un minuto di silenzio nazionale. Altri immaginarono che fossero stati puniti tutti nello stesso momento i bambini troppo chiacchieroni delle scuole del paese.
Nella sala d’attesa del dentista, la Principessa, che non aveva dormito per tre notti a causa di questo dolore acuto, si addormentò. Il dentista, un bel giovanotto, quando la vide, indovinate, si innamorò!
Purtroppo per la nostra Principessa, la sua fama era ormai diffusa e il dentista sapeva che questa ragazza bellissima faceva troppe domande e non era sopportabile più di due giri di un orologio. Ma era troppa splendida, e il dentista era troppo ammaliato per non cercare di risolvere questo problema.
Il nostro dentista sapeva che la mascella umana è magica. Infiltrando una goccia di pozione nel dente apposito, poteva riuscire a renderla muta. Quel che fece, senza scrupoli. Ah l’amour!
Vissero felici in un bel trullo ed ebbero tanti figli dai denti bianchi bianchi.

La principessa si rivolge a Cesare
Questa è buona! (riso amaro)
Ma tu sei proprio fuori di testa se pensi che io possa accettare un happy end del genere! Non andrai a dormire finché non sarò del tutto soddisfatta!
Dai, sbrigati!


Vero e proprio Happy end
La Principessa alla fine, non era più così sicura di aver bisogno di un uomo per vivere. Si rese conto della propria felicità. Viveva nel posto più bello del mondo ed ogni giorno, grazie alle sue continue domande, scopriva nuove cose sulla vita e sugli altri.
Era così serena e allegra che a poco a poco, molti cominciarono ad invidiarla. La nostra Principessa non era per niente egoista e voleva che tutti gli altri potessero approfittare della stessa semplice gioia di vivere. Quando uno gli chiedeva come facesse ad essere così leggera e felice, spiegava che era grazie alla “terapia delle domande”, una medicina nuovissima che permetteva di curare tutti i mali: quelli del cuore, quelli del corpo e quelli della testa.
Raccontava che, quando uno è triste, deve provare ad apririsi agli altri, interessarsi ad ogni piccolo dettaglio, fare delle domande di ogni genere e, a poco a poco, il contatto umano gli permette di sentirsi meglio.
Cominciò a proporre delle conferenze sulla “magia delle domande” e molti venivano ad ascoltarla, incuriositi da questa principessa francese che curava ogni male con delle semplici domande. Riuscì a convincere la maggior parte del pubblico e i suoi interventi erano un susseguirsi di domande con poche risposte. Questo era un punto fondamentale della sua filosofia di vita: la risposta non importa niente, è la domanda ad essere curativa.
Un giorno che stava chiacchierando con uno straniero proveniente dell’Albania, venne a sapere che un principe albanese era famoso perché curava tutte le malattie con sole risposte.
Secondo quest’altra teoria, quando uno sta male, deve ritrovare la fiducia in se stesso. Perciò deve rispondere a delle domande, ma non importa la domanda, l’importante è solo rispondere. Permette di valorizzarsi, di sentirsi colto ed interessante.
Molto incuriosita, la principessa decise di andare a trovarlo in Albania. Mise il suo vestito rosso e le sue mutande nel suo zaino e attraversò il mare Adriatico.
Ascoltò la sua conferenza con grande attenzione: tutti davano delle risposte senza mai farsi delle domande. Alla fine, la principessa lo andò a trovare e gli fece un sacco un domande a cui rispose con arte e talento.
Più la conversazione andava avanti, più i loro occhi si spalancavano: tutti e due erano meravigliati che una conversazione possa essere così piacevole. Non videro il tempo passare e quando finalmente lei chiese “andiamo a mangiare una pizza?” (aveva pure dimenticato di essere in Albania e non più in Italia), erano già passati tre giorni e tre notti dal loro incontro. Avete indovinato, queste due persone assolutamente opposte si innamorarono subito. Ah, l’amour... !
Vissero felici ed ebbero molti figli chiacchieroni che facevano sia le domande che le risposte.

La principessa, con un bel sorriso, si rivolge a Cesare:
Vabbé, puoi andare a nanna.

« nuda son venuta e nuda me ne andrò »

Oups, j’aborde un chapitre délicat ! C’est parce qu’on m’en a beaucoup parlé ces derniers jours et que je continue à faire refléter avec fidélité ce que je vis ici.
Là, on sort du conte en pâte fimo !
L’argent c’est un des tristes problèmes de nos sociétés contemporaines. Qui n’en a pas et en donne à tout le monde, qui en a trop et attend qu’il se couvre de moisissure et qui opte pour une attitude neutre de demi-mesure.
La remarque la plus sensée que j’ai entendue ici, elle est venue de Filomena : « nuda son venuta e nuda me ne andrò » (je suis arrivée toute nue et nue je partirai). C’est une philosophie qu’elle ne partage pas avec la majorité, sans aucun doute.
D’une manière générale, les gens se plaignent de ne pas en avoir assez. Ils prennent une mine contrite quand on leur demande s’ils partent en vacances pour faire comprendre que, malheureusement, ce n’est pas possible : la maison à payer, les travaux à assurer, la petite dernière qui entre à l’université, le prêt pour la voiture. Pour en avoir plus, certains cumulent les emplois, d’autres font des heures supplémentaires.
Comme en France, me direz-vous.
Les « gratta e vinci » (les gratte et gagne, tout est dit !) sont arrivés ici avec un peu de retard par rapport à chez nous et connaissent un succès d’estime. Dimanche matin, quand nous sommes partis aux Tremiti, nous nous sommes arrêtés sur une air d’autoroute. A 7h du matin, mes yeux peinaient à s’entrouvrir et déjà, une dame pestait parce que le serveur ne pouvait pas lui payer son gain. Elle avait acheté un « Milionario », gratté avec une pièce et découvert qu’elle avait gagné 15 euros. Hélas, la machine du bar était cassée et elle a eu beau faire un esclandre, elle n’a pas pu récolter ses sous. On m’a expliqué qu’il existe un mythe du billet à gratter d’autoroute. Ce sont visiblement ceux qui ont le plus de chance de gagner. Voilà pourquoi dès potron minet, ils agitent leurs poignets avec l’espoir fou de devenir « milionario ». Magari…
Dans la même idée, j’ai constaté que plusieurs petits bars de Locorotondo sont équipés de machines à sous. On met un jeton, on tire sur une manivelle et on attend de savoir si la machine expulse une flopée de jetons dans un grand fracas (pour que tout le monde soit bien au courant) ou affiche simplement une phrase incitative du genre « essaye encore ». Je me suis trouvée là aussi en plein spectacle un matin où je prenais mon petit déjeuner. La seule table libre était celle juste à côté d’une des machines et un homme réunissait toute sa concentration pour jouer. Qui sait ? Peut-être que la vitesse à laquelle on tire sur la manivelle permet de gagner davantage. Je l’ai observé un peu comme une poule qui aurait trouvé un couteau. D’autant plus qu’il a du être particulièrement chanceux, enfin doué je veux dire, car sa machine a fait un vacarme incroyable : toutes les minutes, un enregistrement imitait le bruit d’une cascade dans la piscine de Picsou. A aucun moment il ne s’est retourné pour voir si quelqu’un observait ses gains multiples. Je suppose qu’il essayait de passer un peu inaperçu. Au bout d’un certain temps, il a changé de machine et il a continué un peu à jouer. Puis il est sorti, la tête haute, prêt à aller travailler. Probablement sur un chantier, si j‘en crois sa tenue (parfois, l’habit fait un peu le moine).
Vous voyez, on essaye beaucoup de stratégies pour arrondir les fins de moi et je passe sur les jeux télévisés seulement parce que ma connaissance en est trop lacunaire.
Ce qui est certain, c’est que les Italiens ont l’impression, et je l’ai constaté du Nord au Sud, en parlant avec des gens bien différents, d’avoir été parfaitement escroqués par un monstre qui a divisé par deux leur pouvoir d’achat : l’implacable et terrifiant euro. Impression probablement fondée, au moins en partie. La démonstration qu’on m’a faite plusieurs fois, je l’ai constatée moi-même et je la fais aussi quand ça se présente :
- Au temps des sacro-saintes lires, un café coûtait 1000 lires, un joli petit billet gris.
- Le taux de change de l’euro est très simple : 1 euro équivaut à 2000 lires.
- Au temps de l’Europe et des euros, un café devrait donc coûter 50 centimes d’euro.
- Or, un café coûte, en moyenne, 1 euro.
La démonstration est valable pour le pain, les chaussures, les maisons, les cartables, les dictionnaires, les chaises, … j’arrête là, la liste pourrait être longue !
Bien évidemment, comme on peut facilement l’imaginer, il existe une exception : le salaire !
Il n’a pas doublé. On doit donc continuer à acheter des choses qui coûtent deux fois plus cher avec un salaire équivalent. Voilà pourquoi les Italiens tirent la langue, voilà pourquoi les mammoni et les femmes de ménage étrangères (payées moins cher que des Italiennes) remplissent les maisons familiales.
Une parenthèse sur les revenus, justement. Après plusieurs conversations de-ci de-là, j’ai remarqué que beaucoup se considèrent victimes du système et pensent que la situation est plus belle ailleurs. Quand je tiens des conversations sur ces problèmes de pouvoir d’achat, après avoir dit que l’euro les a ruinés, les gens me demandent combien je gagne dans le but de démontrer qu’ils sont vraiment dans une situation difficile. J’ai longtemps cru qu’effectivement, nous, français, étions privilégiés en annonçant mon salaire. Et puis l’année dernière, à Parme, j’étais hébergée par la secrétaire de l’école qui tenait les comptes, Paola. Et en discutant avec elle, j’ai découvert que le salaire d’un prof français est équivalent au salaire d’un prof italien, même si ça ne semble pas être le cas à première vue. Je gagne 1700 euros, Anna 1500 (à ancienneté quasi équivalente). Mais, et c’est là que se trouve la subtilité, les Italiens ont la tredicesima (le treizième mois) et payent moins d’impôt sur le salaire. En outre, ils sont payés quand ils organisent des voyages à l’étranger (une somme modique semble-t-il).
Ce qui est certainement beaucoup plus difficile en Italie qu’en France, et beaucoup plus difficile dans le sud que dans le nord de l’Italie, c’est de trouver un travail. Les jeunes suent sang et eau pour dégoter un emploi de misère. Les gens ici se désolent des familles divisées par le travail. J’ai en tête quantité d’exemples d’un frère, fils, oncle, d’une sœur, fille, nièce, partis à Bologne, à Milan, à Turin in cerca di lavoro. Et ensuite, quand le travail démarre, comment faire pour redescendre ? On revient pour les vacances et on s’implante au nord, avec plus ou moins d’amertume…
Comment faire pour dynamiser une région que les jeunes doivent fuir contre leur gré ?
J’ai effectué un sondage dans les classes pour savoir grosso modo si les jeunes continuaient à utiliser le dialecte. La quasi-totalité des lycéens connaissent le dialecte, l’utilisent, et en sont fiers ! Si on leur demande s’ils se sentent européens, ils répondent avec superbe qu’ils sont « pugliesi ». Ils l’aiment leur région… et c’est pour cela que beaucoup finissent par choisir leurs études selon les possibilités offertes par la fac de Bari et trouvent de modestes emplois dans leur village. Ceux qui veulent travailler se résignent à quitter le pays.

giovedì 29 maggio 2008

Oh, c’est moi !


Pour montrer à Nana que je porte sa jupe et à ma’ que je porte mes lunettes de soleil pour protéger mes petits yeux fragiles, si grands pour pouvoir engloutir tant de choses en si peu de temps.


Cucitura barese


Après les cours, je suis allée à Bari pour vérifier s’ils avaient bien les reliques de San Nicola. J’ai vu une grande tombe dans la crypte de la cathédrale et elles doivent être à l’intérieur.
C’est le petit train du far west qui permet d’aller de Noci à Bari sans aucune difficulté, juste un peu de patience. Le prix est dérisoire ; 3 euros 60 et on a bien le temps de profiter du paysage. Cela m’a permis de constater que les bottes de foin sont partout, pas seulement dans la vallée d’Itria et que les figuiers de Barbarie sont en fleur.
A la sortie de la gare, j’ai été un peu écrasée par la chaleur. Quand les gens disent que Locorotondo est dans la montagne, il doit y avoir un peu de vrai… Ca doit bien être à 300 mètres et on sent la différence (Jean, c’est loin, bien loin de tes sommets).
En sortant de la gare, on est happé par une grande avenue pleine de magasins et de vendeurs à la sauvette Sénégalais. J’ai failli essayer d’aller en saluer quelques uns en wolof, j’ai fait remonter à la surface quelques salutations de base mais finalement, j’ai abandonné, un peu intimidée par le nombre. Ils étaient tous réunis en groupes de 5 ou 6, ça ne donne pas envie de faire une blague. Et puis ce matin, quand j’ai dit au lycée que j’allais à Bari, on m’a recommandé la plus grande prudence et je me suis souvenue des recommandations maternelles selon lesquelles on n’est pas sensé s’adresser aux inconnus, surtout si on n’a rien de particulier à leur demander comme c’était le cas.
En arpentant le centre de la vieille ville, j’ai eu l’impression de coudre. J’étais une sorte d’aiguille, mon ombre le fil qui tentait de me suivre, et j’allais et venait d’une ruelle à l’autre autour des deux églises principales comme si je brodais une fleur.
A Bari aussi, les femmes balayent dans la rue et nettoient le morceau de rue devant chez elle. A Bari aussi, les pavés sont propres et luisants. Les murs sont moins irréprochablement blancs. D’autres femmes, assises autour de grandes bassines au milieu de la rue, préparent des artichauts pour en faire des conserves. D’autres encore font des ateliers « orecchiette » : trois boules de pâte, les petits rouleaux, le couteau, le coup de main, vous vous souvenez ? Elles sont beaucoup plus rapides que moi !
Ou Bari est une ville extrêmement religieuse ou j’ai perdu toute objectivité, effet probable de mes recherches d’hier sur Santa Maria della Greca. J’ai été un peu obnubilée par la religion. D’après ce que j’ai constaté, les images pieuses sont à Bari ce que les mouettes sont aux îles Tremiti : on ne peut pas faire une photo sans en voir au moins une dans un coin !
Non seulement les rues sont pleines d’églises, mais entre deux églises, il ne se passe pas cent mètres sans qu’on voie une petite chapelle avec une icône, une bougie ou une ampoule électrique et un petit chapiteau. Si on s’aventure à l’intérieur des petites cours sur lesquelles donnent les maisons (ce que j’ai fait car toutes les portes étaient ouvertes), on trouve, coincé entre deux boîtes aux lettres et un compteur électrique, un Christ entouré d’une guirlande bleue ou des centaines d’effigies différente du saint le plus prisé et qui ne risque aucune concurrence étant donné l’avance dont il dispose, j’ai nommé San Nicola. San Nicola avec un manteau vert, un manteau jaune, une auréole, des guirlandes électriques, une petite lanterne, un napperon, des fleurs, et même des messages politiques « San Nicola vuole i fiori ! Non la spazzatura ! ». Ils ne sauraient exprimer avec plus de force leur fierté d’avoir hérité de ce saint renommé.

(le ruban bleu, ça veut dire qu'un enfant est né... un petit garçon ! et ça c'est valablre dans toute l'Italie)

La Basilique San Nicola, l’exemple le plus important de l’architecture romane dans les Pouilles lui est dédié. Ce qui m’a le plus frappé, c’est le pupitre d’Elia, dans l’autel. Les corps sculptés dans la partie inférieure expriment une rage terrible. La deuxième église la plus importante est la Cathédrale dédiée à Santo Sabino. Là j’ai surtout été envoûtée par la musique, j’ai assisté à une répétition pour un concert qui devait avoir lieu le soir même. Je suis contente d’avoir eu cette première approche de Bari. C’était rapide, mais je me suis immergée dans l’atmosphère de la vieille ville. Les gens qui parlent, le souverain silence de la sieste à 15h, les premiers remous de 17h. Les femmes qui s’affairent dans la rue, les hommes qui jacassent au bar.

mercoledì 28 maggio 2008

Santa Maria della Greca



Merci de ta curiosité Jean, je suis toujours ravie d’essayer de répondre à tes questions.
Je suis retournée faire le tour de l’église, je l’ai explorée de fond en comble, j’ai lu toutes les inscriptions qui traînaient ça et là et aucune n’explique l’origine du nom, mais elle s’appelle Santa Maria della Greca et elle est dédiée à San Giorgio. J’ai poussé le vice jusqu’à aller à la bibliothèque de Locorotondo pour consulter un livre tout entier dédié à cette église et nulle part ils n’expliquent d’où vient ce nom, comme si c’était évident pour tout le monde. Dans ce livre de 100 pages sur l’église tout est passé en revue de son toit original en forme de Cummerse, comme le reste du village, au polyptique qui se trouve dans l’autel (où sont représentés Santa Lucia, San Pietro, San Paolo e Sant’Oronzo), mais il n’y a pas un mot sur le haut de la façade.
J’ai demandé à droite à gauche et c’est Cesare qui m’a donné un indice de réponse en me parlant de « perdùne ».
Si on exclut la croix et la coquille Saint Jacques qu’on reconnaît facilement, c’est le chapeau et le bâton au centre qui posent problème. Cesare dit qu’ils représentent les « perdùne » de Taranto.
La semaine sainte à Taranto commence toujours sous le signe de la pénitence par un rite qui a lieu le jeudi, le jour de la Cène. 80 hommes animent une procession qui dure 9 heures et pour laquelle ils passent dévotement d’église en église. A 15h le jeudi, ces hommes se préparent : ils sont pieds nus et portent un vêtement blanc couvert d’un manteau crème appelé « mozzetta ». A la ceinture ils ont un cordon en cuire où sont accrochées des médailles. Ils ne peuvent pas montrer leur visage, ils sont cachés par une longue capuche blanche couverte d’un chapeau noir bordé de bleu et portent dans la main un long bâton (le chapeau et le bâton de la façade). A la fin de la procession, ils sont bénis par le père de la confraternité. Ils marchent très très lentement ; ils peuvent mettre une heure à faire 30 mètres ! Un peu comme si un poids énorme leur pesait sur les épaules.
Ca peut donc être une référence à ce rite locale.


Mais selon Anna, ce n'est pas le cas : c'est seulement une référence au voyageur...
Sinon, pour ce qui est des saints, le plus « gettonato » c’est San Nicola di Bari. Tu le connais peut-être, Jean, mais je résume. San Nicola a vécu au IVème siècle à Mira. Ce sont les seules informations historiques. Les légendes ont fait de lui le chef des thaumaturges du coin (« le coin » s’étendant sur une vaste zone géographique de l’Orient grec et slave à l’Occident latin). C’est le saint patron des navigateurs, et le protecteur des enfants, un mec bien non ?
Le culte de San Nicola s’est répandu dans tout l’empire bizantin, Italie comprise, et au XIème siècle les vénitiens ont essayé de dérober ses reliques mais ils ont été doublés par les Baresi qui ont rapporté les os su saint à Bari sans qu’on ne sache trop comment en 1087. La fête de Saint Nicola, le 6 décembre, est devenue la fête des enfants en Italie et c’est lui qui aurait donné naissance à Santa Claus… Ce n’est donc pas Coca Cola. ;o)
Je me renseignerai sur les autres saints locaux. Pour finir, quelqu’un pourrait-il expliquer à Hélène comment poster des messages. Moi je ne sais pas comment vous faites. Mais en tout cas je vous remercie, ça me fait vraiment très très très plaisir de vous sentir tellement avec moi.

« A quelle heure doit-on partir ? »

Retour à Locorotondo en douceur. Un magicien attentionné a changé mon paysage quotidien de peur que je ne me lasse. En vérité, j’étais loin d’être lasse mais je suis contente de ces changements. Des bottes de foin déposées ça et là ponctuent mon horizon de boules jaunies et les champs se sont changés, ils ont retiré leur pulls verts et endossent une robe d’été couleur paille. Tout semble plus sec alors que les premiers jours de grosse chaleur arrivent.
Au lycée, les élèves me font rire, encore plus qu’en France, à cause de leurs maladresses d’expression. J’essaye de ne pas trop le montrer pour qu’ils continuent à oser s‘exprimer. Je ne résiste pas à la tentation de vous raconter un des cours de ce matin.
J’ai constaté que les élèves de prima avaient des difficultés énormes pour prendre la parole à l’oral. Je leur ai préparé pendant le week-end un exercice pour les entraîner à dialoguer entre eux. J’avais élaboré des petits scenarii et chacun devait jouer un rôle.
Un des scénarii : Deux amis discutent pour préparer leurs vacances d’été. Ils doivent décider le lieu où ils iront, à quelle période ils partiront, avec qui et pour combien de temps. (Nous avions fait un travail de compréhension de l’oral sur un dialogue où deux de mes élèves préparaient un séjour à Noirmoutier… quand je pense aux îles Tremiti et que je revois mes vagues souvenirs gris de Noirmoutier, je suis encore plus contente d’être ici !).
Ils étaient évidemment libres de modifier les données, ce qui comptait avant tout, c’était de rendre le dialogue le plus naturel possible. Ou plutôt, le moins artificiel !
Deux groupes sont passés sur ce scénario, pas extraordinairement original, j’en conviens mais assez réaliste. Chacun d’entre nous a déjà tenu ce genre de conversation, eux compris !
Cinq minutes de préparation et hop.
Premier groupe. (hélas, ô combien hélas, il vous manque leur accent macheronico !)
- Où dévons-nous aller ? (comme ça, sans introduction rien et en regardant ses pieds, mais avec une belle inversion du sujet, remarquons-le au passage et même, ce qui n’apparaît pas ici, une magnifique liaison « devons-nous z aller » qui laisse penser qu’il n’y avait même pas de faute d’orthographe dans sa phrase… ce qui m’a rendu très tolérante sur l’utilisation approximative du verbe devoir !!)
- On va en Afrique. (réponse brute et décisive!!!)
- A quelle heure doit-on partir ?
(blanc)
(hésitations)
(regard perdu et suppliant)
Je les arrête voyant qu’ils deviennent rouges et craignant pour leur santé et je leur explique vaguement pourquoi c’est absolument tout sauf vraisemblable. Je me moque gentiment mais sincèrement de la dernière réplique, en expliquant qu’on peut difficilement envisager cette question à ce stade de leur conversation ! En outre, avant de connaître l’heure, la destination mériterait peut-être d’être vaguement précisée !!
Pleine d’enthousiasme, je hèle un second groupe, sur le même thème, pensant naïvement que les consignes peuvent aider les suivants.
Second groupe.
- Où voulez-vous aller ? (je n’invente pas le vouvoiement, je répète tel quel, remarquez qu’ils sont drôlement au point pour l’inversion et la liaison, voir plus haut)
- Je veux aller en Spagne.
- Je préféré France.
Alors que je commence à sourire à l’écoute de ces fantaisies de lexique et de prononciation, arrive le plus beau.
- A quelle heure doit-on partir ?
Non vraiment, si vous ne me croyez pas, je comprends mais je vous assure que c’est vrai.
J’avoue, je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire.
Je ne sais pas si c’est parce que j’y suis habituée ou seulement parce que ce n’est pas ma langue maternelle mais les erreurs me font beaucoup moins rire en italien.
C’est élèves pleins de bonne volonté ont appris quelques phrases par cœur et veulent à tout prix me les offrir, c’est vraiment une bonne intention… mais ils sont loin, bien loin, du sens que j’essaye de donner à leur apprentissage… La langue ne leur semble pas encore être un outil de communication mais seulement une matière scolaire à apprendre par cœur. J’espère que ça changera...

martedì 27 maggio 2008

Indovinello


Che cos'è?????????

le isole diomedee


Anna et Cesare m’ont emmenée dans les isole Tremiti, au nord des Pouilles. C’était extraordinaire ! (je m’emballe, je dois me méfier de ce mauvais œil qui traîne… je ne sais pas si on peut l’attraper à nouveau une fois que quelqu’un l’a enlevé). Les premiers souvenirs qui me viennent pour évoquer ces deux jours sont : mer, mouettes, mer, pins, mouettes, rochers, mouettes, soleil, mouettes.
Surtout les mouettes, je n’en ai jamais vu autant en si peu de temps et je n’en ai jamais vu d’aussi près ! Elles planent toute la journée parmi les îles en l’attente d’un photographe attentif.
C’est un archipel composé de trois îles et d’un îlot : san Dòmino (c’est là qu’était notre pension), San Nicola et Capraia sont les trois îles, Cretaccio, le rocher qui se trouve entre les deux premières. Une bonne heure de traghetto pour y arriver (en partant de Trèmoli, dans le Molise) et un dépaysement fabuleux. On a vraiment l’impression d’être hors du monde… je crois que les îles offrent vraiment une sensation particulière.
A San Domino, il suffit de marcher quelques mètres et on arrive sur une plage qui a tout des plus belles criques des îles que je connais de la méditerranée, soit les trois « grandes » qui longent l’Italie de l’autre côté (quelques déchets en plastic en plus, la saison n’a pas commencé et les objets avalés et rejetés par la mer n’ont pas été nettoyés partout). En réalité, ça m’a surtout rappelé les plus belles plages que nous avions trouvées en Sardaigne. Ca a même dépoussiéré mes souvenirs.

On peut très facilement faire le tour de l’île à pied et trouver des petits coins paradisiaques à l’eau limpide à peu près partout. Et puis surtout, au mois de mai, et c’est là que je me sens privilégiée, non seulement il fait beau mais en plus il n’y a personne. Ce n’est pas un euphémisme, il n’y a personne. Dans chaque coin où nous nous sommes arrêtés pour nous baigner, il n’y avait vraiment personne. Une seule crique a été colonisée par des parasols verts rayés, la cala degli inglesi et là il y avait une malheureuse touriste solitaire, ridicule ous son parasol vert rayé.
L’île est très verte, presque entièrement couverte de pins, c’est pour ça qu’ils l‘appellent l’orto del paradiso. C’est là que viennent tous les amateurs de plongée sous-marine, des tas de petits bateaux disséminés ça et là attendent de voir remonter des corps emmaillotés dans leurs combinaisons noires. L’eau est vraiment magique : parfaitement transparente, comme dans les images auxquelles on ne veut pas croire !

C’est la plus grande de l’archipel, elle doit faire deux kilomètres de long. Il y a, en tout, 360 habitants sur les deux îles habitées (celle-ci et San Nicola) et cela nécessite une école pour que les enfants soient scolarisés comme tous les autres petits italiens. Le record de Najac est battu : 4 élèves à l’école primaires, et seulement 2 au collège !! Un prof d’italien vient de lundi à mercredi et un prof de maths de jeudi à samedi ! Ils ont un salaire plus élevé, un peu comme les privilégiés qui travaillent dans des lycées français à l’étranger !
Pour vous donner une idée, aucune des îles n’a de boulangerie, ils achètent le pain à Termoli. Mais il y a tout de même des hôtels, des pensions et des restaurant pour les touristes, bien sûr ! Même hors saison, on arrive à se nourrir normalement (plus que normalement même, on a mangé des linguine aux fruits de mer à se lécher les babines).
C’est la dame de l’isola di San Nicola qui m’a expliqué qu’elle n’avait pas de pain, Nonna Sisina. Elle tient un bar en bas de la grande forteresse. Elle ne fait pas de pâtes, que des panini. Quand des allemands arrivent et s’installent, Nonna Sisina qui ne fait pas de pâte, leur propose des crostini. Comme ils ne parlent pas italien et elle pas allemand, elle se fait aider par qui veut. Il se trouve que j’étais là et que les allemands parlaient anglais. Les allemands qui s’étaient arrêtaient chez Nonna Sisina n’étaient pas disposés à manger autre chose que des pâtes et visiblement, Nonna Sisina n’était disposée à perdre les allemands. Elle m’a demandé de garder son bar 5 minutes, elle est allée acheter des tomates et des oignons, elle a préparé un sugo en trois coups de cuillères à pot et tout le monde était content. Les allemands ont eu leurs pâtes et Nonna Susina a gardé ses allemands. Elle ne s’est pas moquée d’eux, ça avait l’air bon. Moi, j’étais surprise que ces allemands à qui j’ai expliqué que Nonna Susina ne faisait pas de pâtes soient restés tout de même, insistant pour ne pas, surtout pas manger de pain et tout aussi surprise de voir cette dame de 79 ans (elle s’en est vantée) sortir d’un pas résolu pour préparer sa sauce ! En revanche, Nonna Susina n’était pas surprise de la réaction des allemands et eux pas plus de la sienne !
L’île San Nicola est très différente de San Domino. Plus petite, plus aride, ce qui lui vaut son surnom : « l’orto dell’inferno » et plus architecturale. San Domino n’a aucune construction digne d’être nommée alors que San Nicola est couverte d’une grande forteresse qui donne une certaine majesté au paysage. Ce qui est bien, quand on est à San Domino, c’est qu’on a une vue imprenable sur San Nicola ! C’est drôle comme deux îles qui se font face comme ça semblent tout de suite moins isolées !



On appelle l’archipel les isole diomedee parce que la légende raconte que Diomède, au retour de la guerre de Troy, désespéré d’avoir appris que sa femme le trompait, s’est perdu dans l’Adriatique. Au terme d’une tempête il aurait échoué sur l’île de San Nicola ou il aurait passé ses derniers jours. A sa mort, il a été enterré sur l’île et tous ses compagnons ont été changés en oiseaux par Aphrodite. C’est cet oiseau qu’on voit sur le médaillon du cloître, la légende raconte qu’encore aujourd’hui le cri de cet animal strident évoque la tristesse d‘avoir perdu un si grand héros.


San Nicola est majestueuse pour sa Forteresse mais l’arrière est aussi impressionnant : une sorte de haut plateau d’un kilomètre de long, fourni d’une riche végétation très basse et aride. Pas un arbre, mais une vue imprenable sur la mer et sur la dernière des trois îles, Capraia. Un phare très seul pour unique construction, Capraia semble la résidence des mouettes et des pêcheurs. Une princesse arabe infidèle aurait été envoyée là pour être punie de ses mœurs dissolus. Et puisque chacun a droit à sa légende, sur l’îlot, un rocher qui appelé « la Vecchia » parce qu’avant chaque tempête y apparaît le fantôme d’une vieille femme tenant un écheveau de laine. (Sur la photo, on voit la Vecchia : ce petit rocher au large de Cretaccio, à droite).



Lucio Dalla, un chanteur italien de Bologne, doit être un grand amateur de mer et de mouettes, il a acheté une grande maison sur l’île de San Domino et une petite sur San Nicola. C’est la star locale et tout le monde parle de lui en des termes très laudatifs. Ils lui sont reconnaissants de véhiculer une certaine réputation de l’île et de donner un grand concert gratuit tous les ans au mois de juin.
J’ai les yeux pleins de mer et de mouettes !

lunedì 26 maggio 2008

café et autres mystères italiens...

Le problème de mon lycée italien c’est que, le samedi matin, j’ai cinq heures de cours serrées serrées et depuis cette semaine, je suis vraiment prof ici. Cinq heures de cours à la suite, c’est beaucoup. On a quelques minutes entre chaque cours, le temps de changer de salle. Et très souvent, entre deux cours, un bidello me propose un café. Ce matin, c’est arrivé trois fois, qu’entre deux cours, on me propose un café. J’avais oublié que j’étais dans un pays où le café est… vraiment du café !
A une heure et quelque chose, quand j’ai fini la dernière heure, j’avais un mal de crâne si terrifiant que j’aurais demandé à quelqu’un de me la passer à la passoire, cette tête, pour filtrer les douleurs. Je les imaginais, flottant, noires et liquides, comme un bon café serré serré. Aussi serré que la matinée…
Alors c’est quand même amusant de voir comment les uns et les autres proposent de régler le problème. J’ai d’abord essayé de le régler avec mes méthodes habituelles. J’ai décidé de faire une sieste, mangé un peu et puis j’ai fait un tour pour m’aérer. Pareil. J’ai travaillé un peu (oui, le travail me relaxe d’une manière générale). Ca n’a pas marché non plus.
J’ai fini par aller voir Cesare, le mari de Anna qui est infirmier et m’avait proposé son soutien. Il m’a sorti un placard entier de médicaments ! Il m’a proposé una cinquantina di compresse (cachets). J’ai juste pris un peu de paracetamolo.
Et enfin, Vita, ma voisine au téléphone, voyant ma tête un peu lourde et mes traits tirés, s’est approché de moi l’air expert, a posé ses mains sur ma tête et puis elle a dessiné trois fois sept petites croix sur mon front en l’effleurant à peine. « Fra un’ora t’è passat’ »
Très rapidement, je n’ai plus rien senti.
Lavoro, siesta, pomodori freschi freschi, paracetamolo o croci sulla fronte? Boh. L’insieme probabilmente !
C’est Filomena qui m’a expliqué ce que m’a fait Vita, en éclatant de rire. « Ti ha tolto il malocchio! ». Et n’importe qui ne peut pas le faire !
Certaine femmes ont un pouvoir particulier et peuvent le transmettre à une autre femme (mais on ne peut transmettre son pouvoir que un vendredi saint et seulement si une autre dépositrice du même pouvoir est morte). On ne plaisante pas avec le pouvoir d’enlever le mauvais œil.
Evidemment, on pourrait quand même se demander comment ou pourquoi le mauvais œil s’en est pris à moi. Evidemment, j’ai posé la question. (Digression, ça me fait penser que Cesare, le mari d’Anna m’a dit que j’aurais aucun succès avec les hommes en Italie parce que je posais beaucoup trop de questions et que la grande majorité des hommes ne supporte pas ça pour la bonne raison que souvent ils ne savent pas répondre… autre théorie que celle d’Aurélie selon laquelle, tu m’excuseras Aurélie de te citer sans ton accord, « les hommes préfèrent les chieuses ». Je choisis en tout cas consciencieusement les personnes auxquelles je les pose, ayant remarqué que certains y répondent avec enthousiasme et d’autres en tordant le nez… mais je ne suis pas sûre que ce soit une question de sexe !)
Comment attrape-t-on le mauvais œil, disais-je ? Simplement quand on a l’air trop heureux, trop satisfait, en faisant naître des jalousies. Quelqu’un de trop envieux m’aurait donc « affascinata » et Vita, en acceptant de me faire son traitement, a emporté avec elle mes douleurs.
C’est pour ça qu’on ne fait jamais trop de compliments aux autres. Ainsi, un nouveau-né n’est jamais « magnifique » ou « extraordinaire » mais seulement « bien ». Ca le protège des envieux !
Conclusion. Ma’, si tu habitais ici, tu trouverais tout fantastiquement génialissime, et tout le monde aurait mal à la tête.

venerdì 23 maggio 2008

« Come si chiama il vostro Papa al tuo paese ? »


J’étais en train de lire devant chez moi quand Angela, ma voisine, s’est approchée et m’a demandé : « Come si chiama il vostro Papa al tuo paese ? » (Comment y s’appelle vot’ pape, dans ton pays ?). Comme quelqu’un qui émerge de son livre, j’avais un peu l’esprit ailleurs, mais j’ai essayé de lui répondre clairement en lui expliquant que le Papa, il n’y en avait qu’un seul pour toute la planète et que c’était justement celui qui vivait chez elle. J’avoue, je pensais que d’entendre ça lui ferait plaisir, c’est flatteur pour quelqu’un qui aime bien le Pape de savoir qu’il n’a pas de concurrents. Et j’avais de bonnes raisons de croire qu’elle aimait bien le pape, d’une part parce qu’elle me posait cette question, mais aussi parce que je l’avais vue feuilleter des revues avec des tas de saints et autres prêtres connus en première page. Le matin même, elle m’avait mis entre les mains une double page qui ressemblait à s’y méprendre à un « Voilà ecclésiastique », en m’expliquant que tel religieux était tellement brave que tout le monde parlait de lui en ce moment. Elle avait ajouté qu’elle n’en oubliait pas le Pape pour autant.
Bref, plus je tentais de lui exposer mon point de vue sur ce Pape ultra-champion puisqu’unique exemplaire, plus je voyais ses sourcils se froncer et j’ai cru lire dans son expression une critique qu’elle n’a pas formulée verbalement mais qui pourrait équivaloir à : « C’est des mécréants dans son pays, ils n’ont même pas de Pape ». Elle a fini par interrompre mes interprétations en me disant fièrement : « A Londra, il loro Papa, è una Regina » (c’est une Reine) et c’est alors que j’ai commencé à réaliser que notre Pape à nous ça pouvait bien être Nicolas Sarkozy, N.S., Notre Seigneur. Je ne me sentais pas de la rassurer en lui disant ça, alors je lui ai dit qu’en France, on avait un « Presidente » (ça faisait moins pingre que rien du tout !).
Elle a eu l’air franchement rassurée et elle a répété « Noi abbiamo un Papa », la tête haute. Le fait que Silvio Berlusconi soit président du conseil ne semblait pas l’intéresser le moins du monde, le seul constat pertinent étant que le Pape régnait sur l’Italie.
Le Vatican est sur le territoire italien, ça ne fait aucun doute et la religion ici fait partie du paysage. Dans toutes les classes italiennes sont exposés des crucifix. Il est naturel pour les élèves italiens du lycée de considérer que tous les autres sont catholiques, de même qu’il est évident pour les élèves étrangers que tous les autres, même s’ils ne sont pas de la même famille religieuse, ont une famille religieuse. Ainsi, quand les élèves m’ont posé des questions lors de mes présentations, aucun Italien ne m’a demandé si j’étais catholique, mais, dans deux classes différentes, deux Albanaises m’ont demandé quelle était ma religion. Ma réponse a suscité des réactions de grande surprise, le mot « athée » (et au-delà l’idée même d’athéisme) n’appartenait pas à leur champ de connaissance. (toutes deux étaient musulmanes)
Je disais au début de mon séjour que Locorotondo a de nombreuses églises, c’est le cas de tous les villages des alentours. Des églises, des chapelles, et des petites représentations de la Vierge de-ci de-là, au détour des rues. J’ai déjà parlé du mariage hier, je n’y reviens pas, mais je ne vous ai pas parlé des communions. Pour avoir habité à Mende juste devant la belle cathédrale, je ne me souviens pas avoir assisté à de telles cérémonies. Outre les cerises, nous sommes également en pleine période de communions et si les cerises sont toutes rouges, les communiants sont eux tous blancs et remplissent les parvis des églises les dimanches matins.
En Italie, de Vintimille à Lecce, îles incluses, les décès sont annoncés sur des grandes affiches blanches placardées sur les murs. Je les connais depuis si longtemps que je ne les regarde plus, j’ai réalisé aujourd’hui combien elles étaient riches de connotations religieuses. « Jésus a frappé à la porte de Costanza pour la présenter au Père », « Après une vie dédiée à son travail et à sa famille, Paolo est rentré chez le Père »…
N’oublions pas, pas ailleurs, que je suis hébergée par l’église. C’est à Don Franco que je dois cette hospitalité. La maison que j’occupe est normalement réservée au vice-parrocco, mais il s’est acheté un trullo et s’y est installé. Or, en l’absence de vice-parrocco la maison est prêtée gracieusement aux gens de passage qui en ont besoin.
Si on exclut le fait que le lit est si étroit que personne ne peut envisager d’y dormir avec quelqu’un, la maison est parfaitement dénuée de quelque signe ostentatoire religieux que ce soit. Pas une croix, pas une icône, des meubles plutôt modernes et un immense frigo.
A propos de don Franco. Vers 22h, avec Anna, après une promenade avec Austin, nous sommes passées devant le bureau de Don Franco et puisque je ne l’ai pas encore rencontré, elle a voulu me le présenter. La place devant l’église est une petite place très mignonne, toute blanche, pavée. Un des bâtiments en face contient le bureau de la paroisse. La porte était entre ouverte, Anna a passé la tête pour voir si don Franco était disponible, interrompant ainsi un jeune homme en pleine confession. En attendant un peu, devant la porte, on a constaté qu’il y avait une file d’attente clairsemée sur la place. Le couple, devant la cabine téléphonique, la dame, sur les marches de l’église et le jeune sur son scooter attendaient tous leur tour pour se confesser ! En fait, le couple en question se mariait le lendemain et il est de coutume de se confesser la veille de la cérémonie. Je remercierai Don Franco une autre fois pour ma maison.
Une digression sur ma maison. Deux détails qui me plaisent en particulier : l’égouttoir au-dessus de l’évier comme dans toute maison italienne qui se respecte et les tuyaux du chauffage qui se mélangent avec la rampe blanche de l’escalier dans un méli-mélo de tubes assez esthétique ! Si je pouvais jouter quelque chose, je pense que ce serait le téléphone, pour pouvoir communiquer. J’ai donné le numéro de ma voisine, Vita, à Vincent et ma’ pour qu’ils tentent de m’appeler chez elle mais c’est sans succès ! Enfin, en réalité, elle ne le connaissait pas son numéro, je l’ai lu sur un petit morceau de papier qu’elle m’a tendu. J’ai aléatoirement ajouté le préfixe de Locorotondo et celui de l’Italie mais les coups de fils semblent se perdre dans un trou noir au milieu des Alpes. Quand j’ai expliqué à Vita qu’ils n’arrivaient pas à me joindre, parce qu’elle s’inquiétait de ne pas recevoir les coups de fil que je lui avais annoncés, elle m’a demandé si, chez moi, c’était plus loin que l’Allemagne. Après avoir attentivement écouté ma réponse, elle m’a dit « uhhhhhhhh » en relevant le menton, si c’est si loin, les communications se perdent en route. De Putignano, ou tout au plus de Bari, là c’est bon, mais plus loin, les communications ne peuvent pas marcher.
Pour conclure, rappelons au passage que Padre Pio a séjourné dans les Pouilles, dans le Gargano, au nord. Après le trio de tête (la Sainte Famille, ça va sans dire), Padre Pio arrive en quatrième position dans la catégorie petites icônes d’intérieur et autocollants de pare-brise, dont les locaux sont friands. Vincent et moi avons fait de nombreuses photos, l’été dernier, de toutes petites voitures presque entièrement couvertes de pieux adhésifs.
Un aveu, pour ma conscience. J’ai écouté parler ma voisine sans lui dire ce que je pensais de ses revues, ni de son Pape. Je crois que certains sujets peuvent rester tabous entre nous, pour l’équilibre du quartier !

« I librai sono come i panda »


J’ai rencontré quelque chose de chaleureux et de vivant à la fois, de singulier et de rassurant, quelque chose qui n’était pas très grand mais d’une richesse rare ; j’ai rencontré une librairie. Une vraie. Avec des livres, des étagères, des couloirs pour circuler, comme dans beaucoup d’autres mais surtout, avec une libraire. Une vraie. Une qui lit, apprécie, commente, critique, s’enflamme, conseille, débat et écoute. C’est elle qui m’a conseillé le livre de Culicchia il y a deux jours, j’y suis retournée aujourd’hui pour en parler avec elle. Je suis arrivée dans une ambiance jazz relaxante qui semblait murmurer : « arrête toi un peu, regarde les livres, prends le temps de goûter leur saveur, laisse toi aller au plaisir de flâner parmi les pages ». Je suis très obéissante aux appels de ce genre, j’ai longuement regardé les couvertures, j’ai parcouru quelques lignes, en me laissant bercer par Pieranunzi (le jazzman que la vraie libraire m’a proposé de m’enregistrer). Et justement, dans le livre de Culicchia, il y a un très bel extrait sur les libraires.
Le voici, pour Aurélie, Claire et les plus courageux.

A proposito di librai: Torino, la città della Fiera del Libro è città di librerie. Ce ne sono davvero tantissime. Probabilmente anzi è la città con la più alta percentuale di librerie pro capite. In Via Garibaldi ce ne sono tre. In Via Po cinque. In Via Roma e dintorni sette. Poi c’è quella all’angolo con Piazza Carignano, quell’altra dentro Piazza Carlina, quella in via Principe Amedeo. E quelle intorno all’Università, quelle antiquariate e quelle di quartiere. E poi quelle specializzate il libri usati, scolastici e non, che solo tra Piazza Castello e Piazza Vittorio sono una decina. Eppure, anche qui come altrove, la specie dei librai è in via di estinzione. I librai in Italia si stanno estinguendo da Gorizia a Trapani. La lotta del resto è impari. Nel notro paese si legge pochisimo e il libro se va bene lo si regala a Natale, quando per definizione non si sa cos’altro regalare. I librai che oggi come oggi resistono al nuovo corso e dunque alla concorrenza di catene e supermercati e centri commerciali sono gli ultimi esemplari ancora in circolazione, e difficilmente verranno sostituiti. Se per caso ne conoscete, e se continuate a frequentarli malgrado non vi facciano lo sconto sul prezzo di copertina o in oni caso non vadano oltre il dieci per cento, abbiate cura di loro. Sono come i panda. Una volta fare il mestiere di libraio era tutta un’altra cosa. Anche perché non venivano pubblicati tre milioni di nuovi titoli ogni due giorni, e il libraio non era costretto a calarsi quotidianamente nei panni del magazziniere e del contabile e dell’analista finanziario specializzato in reddittività a metro quadro, né si ritrovava a passare ore davanti al terminale per inserire i nuovi titoli di cui sopra ‘a computer’. Così avevano perfino un po’ di tempo per sfogliare i libri freschi di stampa e farsene un’idea e poi suggerirli ai suoi clienti in base ai loro gusti o alle loro esigenze. In questo senso talvolta il libraio oltre a essere un commerciante sapeva anche essere una specie di fido consigliere, o addirittura di medico dell’anima. Allora, ma qui si parla dell’età della pietra, il libraio conosceva a memoria i cataloghi delle varie case editrici. Cosa che pretendeva anche dai suoi collaboratori. Adesso naturalmente non serve più. Ci pensano le macchine.
Risultato: qui a Torino, qualche settimana fa, una mia amica è entrata in una libreria inaugurata di recente, e quando ha chiesto La Certosa di Parma si è sentita rispondere: “Che lei sappia, è una novità?”. Ormai, un classico.

Giuseppe Culicchia, Torino è casa mia, editori Laterza, 2005

Ce livre m’a beaucoup plu.
Il m’a décidément donné très envie de retourner à Turin.

La marmellata di ciliegie ovvero dalla mia favola alla realtà


Cendrillon, non.
Blanche neige et les sept nains, non plus.
Peter pan, pas plus.
Bon, je ne sais pas trop laquelle, mais j’ai vraiment l’impression de vivre dans une fable. Une belle fable toute blanche.
Je ne fais que des choses que j’aime toute la journée.
Je travaille avec des élèves curieux et demandeurs, je leur apporte des gourmandises dont ils sont friands : des propositions différentes de leurs rites habituels, et ils en redemandent. J’enseigne, pour la première fois, un peu de français et vraiment, j’adore ça ! La semaine dernière, prévoyante, j’ai demandé à mes élèves français d’enregistrer des monologues et dialogues sur des thèmes qu’Anna voulait aborder en cours pour faire avec les Italiens des exercices de compréhension de l’oral à partir de leurs créations. Clara, une de mes élèves de l’année dernière, a fait un très beau texte dans lequel elle raconte ce qu’elle fait au cours de la journée du lever jusqu’au soir. Ce matin, avec une classe de prima, je me suis délectée à aborder par touches successives le contenu du message de Clara. Nous l’avons écouté trois fois pour en retrouver le sens et j’ai fini, pour les meilleurs élèves de la classe, en leur faisant repérer quelques beaux verbes qu’elle avait utilisés. (Le soir, Clara flâne, surtout quand il fait beau, elle s’arrête dans un endroit calme. Ensuite, quand elle arrive chez elle, Clara rêvasse en écoutant de la musique. Avant de se coucher, Clara bouquine. De belles occupations !)
En plus de ces premiers constats, je parle italien du matin au soir avec tous les gens qui se présentent, mes seules exceptions étant les cours de français et le blog.
Lorsque je suis seule, je me promène, je fais des photos, je lis, je vous écris. Oui, moi aussi, comme Clara après les cours, je flâne, je rêvasse et je bouquine.
Cet après-midi, j’ai passé quelques heures à l’ombre d’un olivier à dénoyauter des cerises (délicieuses) pour faire de la confiture.
Ce soir, j’ai cuisiné quelques gâteaux pour distribuer à tous ces gens qui me rendent la vie si simple. J’avais l’impression d’être une semeuse de petits bonheurs en me promenant avec mes ker-y-pomme (oui Fab, j’ai fais des Ker-y-pomme au beurre doux et voyant le beurre, je me suis demandée si ce n’était pas mieux de les faire carrément à l’huile d’olive) dans tout Locorotondo et en récoltant en échange, des sourires enchanteurs.
Encore un exemple aujourd’hui de la manière dont tous me simplifient la vie. Ce matin, j’ai constaté que je n’avais plus de gaz. Je l’ai dit à Anna en lui demandant où je devais changer ma bombonne. Elle a passé un coup de fil et ce soir, un jeune homme est venu chez moi, bombonne sur l’épaule pour la changer. Quoi de plus magique ? Je n’ai même pas eu à me demander si j’avais l’outil adapté à ma disposition !
Et puis Locorotondo est vraiment un petit décor de fable. Il n’y manque rien !
On dirait que je viens d’apprendre quelque chose d’important par une nouvelle expérience de l’existence : la vie peut être simple.
Je ne peux pas dire que ça la rende fade, bien au contraire.

J’ai tout de même été rattrapée par la réalité cupide (pour ceux qui en profitent) et traditionaliste (pour ceux qui la perpétue) au cours d’une conversation avec une mamma, autour de la confiture de cerises. Elle « marie » selon l’expression consacrée, son fils cet été et nous a raconté les frais que cela engendre. 30 000 euros en tout, je vous passe les détails. Ca m’a laissée perplexe. On peut vraiment, au XXIème siècle, dépenser 30 000 euros pour se marier. Dans un pays où tout le monde s’accorde à dire (là, aucune différence entre les régions, les Italiens sont unanimes) que depuis l’euro, les prix sont devenus parfaitement scandaleux, que même les pâtes sont devenues trop chères, que les loyers sont inaccessibles… on peut dépenser 17 mois d’un très bon salaire (le mien !) pour se marier. Et encore, le prix réel est plus élevé, je doute qu’elle ait compté le prix du divorce dans cette somme. ;o)
Comme vous pouvez le constater, il y a longtemps que j’ai exclus de ma conception du conte de fées mariage et autres inventions disneyiennes.
En même temps, il s’agit de mon point de vue et je me dis que, s’ils le font, c’est qu’ils considèrent que c’est vraiment important. Sans doute trouveraient-ils eux-mêmes absurde et incongru que je n’envisage pas de faire la même chose, que je ne me sèche pas les cheveux quand ils sont mouillés, que je ne porte pas de chaussettes quand il fait froid simplement parce que je n’ai pas toujours conscience du fait qu’il fait froid quand il fait froid, que je puisse passer des heures à écrire et peaufiner une histoire sur une machine qui sèche les textes dans lesquels il y a trop d’ « o », de « t », de « 20 » et d’ « e » crus (Détails de ma vie privée que je tente de dissimuler pour continuer à être si bien acceptée ! Le plus dur c’est pour les chaussettes, on maîtrise difficilement quelque chose dont on n’a pas pleinement conscience).

Je laisse là mariage et traditions pour me replonger dans ma fable toute blanche en construction où les héroïnes sont mal coiffées et souvent enrhumées.

(A propos de cheveux, et juste pour prouver que j’ai toujours quelque chose à ajouter, à Alberobello, des amis de Filomena croyaient que j’étais artiste, « à cause de ma coiffure » !!! sans m’offusquer le moins du monde, j’ai fièrement dit que, dans la fratrie, l’artiste c’était « ma grande et talentueuse sœur, Kristina Depaulis, qui habite à Limoges, enfin maintenant au Theil, et qui fait des expositions formidables, et des vêtements extraordinaires et qui a des poules, des oeufs et même des poussins et qui et qui et qui… » !)

giovedì 22 maggio 2008

« Tutto il mondo è paese »... ma « paese che vai, usanza che trovi »

Au début de ce processus de migrations, ce sont les Italiens qui partaient. Les méridionaux se sont mis à s’installer au nord, les septentrionaux en France, ou en Allemagne, puis tutti quanti sont partis aux Etats Unis, en Amérique latine... et aujourd’hui encore, ici comme ailleurs, on peut constater « la fuga dei cervelli » (dont Marie est un parfait exemple puisqu’elle offre un cevreau français aux Belges).
(Soit dit en passant c'est à ce processus de migration et après l'intervention de plusieurs faits annexes, que mon adorable soeur, mon adorable frère et moi-meme devons notre existence.)
Evidemment, le problème actuel des Italiens c’est le flux des étrangers qui tentent de s’installer de gré ou de force dans la botte. Marocains, Algériens, Sénégalais, Nigériens, Chinois, Albanais, Roumains, en particulier. (ce sont ceux cités par Culicchia plus loin)
La situation est telle que meme quelqu’un "rigorosamente di sinistra" (de gauche), tolérant et ouvert ne peut pas rester parfaitement indifférent aux trop nombreux faits divers qui racontent qu’un Rom a commis tel ou tel atrocité dans tel ou tel coin de la Péninsule. Les gens ont vite fait de confondre ensuite Roms dangereux et Roumains, puis Roumains et étrangers. Enfin, actuellement c’est le Roumain qui pose problème et qui remplit les journaux.
Beaucoup de familles italiennes emploient une colf ou autre badante de l’est pour s’occuper du ménage, des anciens, des enfants... Un homme politique de la lega Nord (les plus xénophobes des xénophobes) affirme que les Italiens n’attendent qu’une chose : que ces jeunes filles s’en aillent pour pouvoir prendre leurs postes. Les Italiens avec qui j’en ai parlé affirment que personne ne veut prendre ces emplois. Lui dit que si, de nombreuses femmes italiennes aimeraient ce travail à mi-temps, pour arrondir les fins de mois. Par définition, les gens qui « accueillent » des colfs, les embauchent à plein temps, leur offre le gite et le couvert et les payent le minimum syndical, dans le meilleur des cas. Les Italiens ont évidemment des exigences que ces filles venues de Roumanie, ou d’ailleurs, et habituées à la misère n’ont pas...
Le problème est vraiment délicat, ils se sentent envahis, les bateaux arrivent de toute part, on ne sait plus où mettre les arrivants ni comment les « recevoir »... on critique les conditions d’accueil dans les CPT (centre d’accueil justement, en Sicile en particulier) mais que faire de tous ces clandestins qui arrivent ?
L'immigration qui se fait si difficilement est d’autant plus terrible quand on pense à la souffrance qu’a provoqué l’émigration il y a un siècle...

Hier, j’ai commencé un livre de Culicchia, un auteur turinois que j’aime beaucoup. Je vous reporte ici un texte que je trouve très bien senti !
Je ne traduis pas, vous verrez que c’est très répétitif, il suffit de repérer les nationalités. Je vous dis simplement que le livre s’appelle « Torino è casa mia », (Turin est ma maison) et que Culicchia présente la ville pièce par pièce, comme s’il s’agissait en effet de sa maison. Il commence par l’entrée (l‘ingresso), qui est bien sûr la gare Porta Nuova. (qui me rappelle mes premiers voyages solitaires en Italie !).
A oui, pour vous aider : lamentarsi = se plaindre, prendersela = s'en prendre à qq'un.
J’adore la conclusion… je vous laisse vous immerger dans le texte italien !

Vivo a Torino da molti anni. La città è la mia casa. Perciò Torino è casa mia. È una casa abbastanza spaziosa. La divido volentieri con tutti. A cominciare dall’ingresso.
L’ingresso, per me che sono figlio di un siciliano arrivato a Torino nell’ormai lontano 1946, corrisponde alla stazione di Porta Nuova. [...]
Ai torinesi però Porta Nuova non piace granché. È piena di brutta gente, come tutte le stazioni. E poi da Porta Nuova sono arrivati in troppi. Prima tutti quei siciliani. Poi tutti quei calabresi. Poi tutti quei napoletani. Poi tutti quei pugliesi. Poi tutti quei marocchini. Poi tutti quei tunisini. Poi tutti quegli algerini. Poi tutti quei senegalesi. Poi tutti quei nigeriani. Poi tutti quei cinesi. Poi tutti quegli albanesi. Poi tutti quei rumeni. Il bello però è che nel corso del tempo, seppure a fatica, anche i nuovi arrivati hanno cominciato a sentirsi un po’ torinesi. E così, i siciliani si sono a loro volta lamentati, nell’ordine, prima per via di tutti quei calabresi e poi per tutti quei napoletani, pugliesi, marocchini, tunisini, algerini, senegalesi, nigeriani, cinesi, albanesi, rumeni. I calabresi prima per via di tutti quei napoletani e poi per tutti quei pugliesi, marocchini, tunisini, algerini, senegalesi, nigeriani, cinesi, albanesi, rumeni. I napoletani prima per via di tutti quei pugliesi e poi per tutti quei marocchini, tunisini, algerini, senegalesi, nigeriani, cinesi, albanesi, rumeni. I pugliesi prima per via di tutti quei marocchini e poi per tutti quei tunisini, algerini, senegalesi, nigeriani, cinesi, albanesi, rumeni. I marocchini prima per via di tutti quei tunisini e poi per tutti quegli algerini, senegalesi, nigeriani, cinesi, albanesi, rumeni. I tunisini prima per via di tutti quegli algerini e poi per tutti quei senegalesi, nigeriani, cinesi, albanesi, rumeni. Gli algerini prima per via di tutti quei senegalesi e poi per tutti quei nigeriani, cinesi, albanesi, rumeni... E avanti così.
Quanto ai rumeni, aspettano con ansia che a Torino si decida a emigrare qualcun altro: perché loro, gli ultimi arrivati, non sanno con chi prendersela.
Giuseppe Culicchia, Torino è casa mia, editori Laterza, 2005

Culicchia est génial, j’adore le ton de ces textes et sa façon de prendre les problèmes en dérision. Son livre sur Turin, plein de nombreuses réflexions sur la ville et au-delà sur l’Italie est un délice !
Evidemment, c’est étrange de lire une sorte de guide sur Turin en étant dans les Pouilles.
Je crois que la force de mon amour pour l’Italie tient dans le constat que j’ai fait récemment : j’aime l’Italie. Du nord au sud. Un jour je m’émerveille sur les petits ponts vénitiens, le lendemain, je ne veux plus quitter les paysages siciliens. Je veux m’installer à Rome et aussitôt, c’est Naples et sa costiera qui me happent. Je rêve d’une vieille maison dans la campagne siennoise quand un trullo m’apparaît et m‘attire dans les Pouilles…

piazze

la place de Locorotondo


Allez, pour faire plaisir à Aurélie (c'est quand meme elle qui travaille pour moi à Angers !), je commence par une petite poésie italienne!


Fra le tue pietre e le tue nebbie faccio
villeggiatura. Mi riposo in Piazza
del Duomo. Invece
di stelle
ogni sera s'accendono parole.
Nulla riposa della vita come
la vita.

U. Saba, Il Canzoniere, Torino, 1961



Ah, comme c'est important la place pour un italien ! Le forum romain n'est pas mort, c'est sûr quand on s'arrête un peu sur les places italiennes.
Ce qui est amusant à Locorotondo c’est que chaque habitant est très très attentif à la propreté du morceau de terrain qui se trouve devant chez lui. Mardi, et encore plus mercredi, nous avons eu de belles averses et même un peu d’orage. Tout le monde ici dit que le temps est déréglé, on n’a jamais vu un mois de mai si peu fiable et chacun y va de son commentaire sur sa garde robe : on ne sait pas comment s’habiller le matin avec ce temps !
Pour hier, je ne peux pas le nier ! A 7h, il faisait très frais et le temps était bien couvert. Quand je suis sortie du lycée, il y avait un soleil resplendissant, Anna et moi avons fait une petite promenade (au cimetière en fait : une amie à elle est en train de faire une fresque dans un des bâtiments du cimetière de Locorotondo) et nous faisions déjà des projets pour l’après-midi mais une heure plus tard, il ne manquait que Noé pour nous embarquer dans son arche. Il a vraiment plu !
Et c’est drôle, quand il pleut vraiment comme ça (c’est la troisième fois cette semaine), les gens commentent « è piovuto terra » et en effet les vitres des voitures sont marron, et le sol couvert de terre. Etrange pays !
Dès que la pluie a cessé, aussi soudainement qu’elle avait commencé, je suis allée me promener pour voir les pavés luisants. Les rues étaient pleines d’hommes qui débarrassaient l’eau avec leur balai ! Le spectacle vaut vraiment la peine, on dirait une chorégraphie étudiée ! On ne tolère pas les traces de terre, la ville doit être belle et propre. Les murs sont allaités chaque année, les pavés balayés à la première averse et les rues constellées de plantes ! Une autre voisine est venue discuter avec nous hier soir et elle m’a emmenée fièrement visiter son morceau de rue pour me montrer ses plantes, un vrai jardin !

(j'ai pris la photo tard hier elle est un peu sombre)
On en revient d’une certaine manière à l’importance de la place : c’est là que les gens viennent, c’est pour eux qu’elle doit être la plus belle possible.
Combien de fois ai-je entendu les septentrionaux critiquer la crasse du sud… et les gens d’ici en sont bien conscients. Ils trouvent ça particulièrement injuste mais peuvent difficilement lutter contre de telles idées reçues. Les généralités sont décidément dangereuses.
La place, c'est un peu plus vaste que la simple place du village : c'est la zone de la passeggiata, toutes les ruelles qui forment le circuit habituel.
Je ne suis pas sure de parvenir à rendre compte de l'importance de rituel quotidien mais je vais essayer.
Certaines personnes, à peine rentrées du travail, se préparent pour sortir. Changement de vetements, maquillage pour les femmes, parfum. On sort et chacun prend sa place.
A Locorotondo, je me suis amusée à les regarder aller et venir.
Les jeunes garçons de 11-14 ont élu domicile sur ce banc, dans la descente alors que les filles du meme age sont installées sur le muret, plus bas. Dans la tranche d'age superieure, les filles sont sur les marches, en face du bar, et les garçons debout, devant le tabac. Si on avance encore, les jeunes adultes sont aux terrasses ou devant le cinéma, un peu plus tard, dans leur vie, ils promènent les poussettes avec un "pull autour du cou" (c'est pas de moi, c'est de Benabar !). Un groupe d'anciens devant le jardin public, et un autre sur le seuil de l'association des chasseurs.
Chaque groupe se déplace, lentement, comme sur un tapis roulant d'un point à un autre et revient irrémédiablement au point de départ. Parfois des groupes de jeunes du meme age de sexes opposés se croisent, c'est meme leur seul objectif défini pour la soirée. Ils se toisent, commentent, parfois se mélangent meme.
La pause s'impose chez le glacier, en face de l'église.
Ce vieil homme sorbet au citron va rejoindre son groupe un peu plus loin.
Cette jeune fille chocolat noisette regarde le groupe des garçons en espérant se faire remarquer.
La petite fille crème pistache rattrappe sa mére en courant et sème la moitié de sa glace sur les pavés luisants.
Ils discutent, marchent, discutent, regardent, discutent, mangent leur glace, discutent, s'arretent acheter des cigarettes, discutent, commentent, analysent, répètent, rappellent, crient, murmurent, discutent, discutent, discutent.
Sans cesse et sans s'en lasser.

mercoledì 21 maggio 2008

“facciamo la iosa !!”

Mardi, après une matinée de cours bien remplie, je suis allée me promener avec Filomena à Alberobello, la star suprême et incontestée de tous les villages du coin. Ca n’a décidément aucun rapport de se promener avec quelqu’un qui connaît l’endroit, tous ses recoins et ses histoires. Filomena est la femme de Takis. J’ai déjà fait allusion à Takis, ce fenomeno hellénisto-italien. Sa particularité est de dire quelque chose d’incompréhensible, d’ajouter un mouvement caractéristique de moulinets des deux bras en simultané, une grimace que lui seul connaît comme si tout était parfaitement évident. Chacun interprète à sa façon et tout finit par se résoudre (je dois dire que c’est vrai, même les situations que j’aurais jugées perdues à jamais retombent sur leurs pieds). Le « genio italiano » selon Manu, même si en l’occurrence, c’est un genio mixte, il est resté bien longtemps en Grèce avant de venir « a sposarsi una calabrese » dans les Pouilles. Ils sont d’une générosité exceptionnelle et m’accueillent bien volontiers chez eux. Filomena est médecin et m’a un peu expliqué le système de remboursement des médicaments. Les médicaments de fascia A sont considérés essentiels et entièrement remboursés, enfin, on n’avance même pas l’argent. Ceux de fascia C, considérés accessoires, peuvent être déduits des impôts. Il suffit de présenter sa « tessera sanitaria » au pharmacien et si on atteint 250 euros dans l’année, on peut le signaler sur la déclaration d’impôts. De la même manière, j’ai appris que les Italiens peuvent soutenir une association humanitaire en donnant 5‰ de leur salaire : ils le précisent sur leur déclaration et c’est également déduit de leurs impots. Elle est médecin, disais-je, et connaît donc tous les habitants d’Alberobello. On s’est assises un instant pour boire un café sur la place où nous avons déjeuné plusieurs fois l’année dernière avec Vincent. Alors qu’on se battait pour savoir laquelle des deux allait inviter l’autre (et j’étais bien partie pour perdre, leur grande phrase c’est : « quand je viendrai en France tu me payeras tout, ici c’est moi ! »… ça ne peut que me rappeler Rossella à qui je n’ai pu offrir qu’un café en trois échange), un vieil homme est passé en disant : « Dottoressa, paga Dino ». Les cafés avaient déjà été payés par Dino, le commerçant d’à côté qui avait envoyé un ami en mission auprès du serveur. En fait, on n’a pas bu un café mais un « espressino », un café avec du lait monté à la vapeur (ça devrait vous rappeler quelque chose non ?). Oui, c’est comme un cappuccino, mais en plus petit… sauf que dans la plupart des cas ils sont déjà presque aussi grands que des cappuccini. Je laisse les esprits viles se défouler contre moi, il était 16h, peut-être même 17h et j’ai bu un presque cappuccino… on ne peut se fier à rien ! Filomena m’a raconté une anecdote amusante. La dernière fois qu’elle est allée voir sa fille à Milan, elle est entrée dans un bar et a demandé un espressino. (c’est trop drôle au moment même où j’écris ça, je suis sur les marches devant chez moi et ma voisine vient d’arriver en me demandant « come si chiama questa cosa ? » en indiquant l’ordinateur !!! « computer » ai-je répondu à moitié dans mon espressino, et voilà qu’elle répète péniblement le mot venu de territoires à elle parfaitement inconnus… !) La serveuse l’a regardée de travers et lui a dit qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’était un « espressino ». Patiemment, elle lui a expliqué de quoi il s’agissait et la serveuse a répondu « un marocchino ». Le petit expresso devient donc marocain au nord ! Elle lui a servi son mini-cappuccino (ça c’est ma version à moi) et au même moment, une autre dame, probablement méridionale, a demandé à son tour un « espressino ». La serveuse a eu le culot de lui dire qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’était un « espressino »… Ca laisse entrevoir bien des difficultés de communication… et au-delà !


A Alberobello, les toits des trulli ont de belles petites cheminées et dessus, des soldats romains en fer qui indiquent où souffle le vent et qui sont appelés « banderuole ». Les maisons sont tellement blanches que j’ai fini par demander à Filomena qui les entretient, j’avais un doute sur le fait que la municipalité puisse payer pour ça.
Elle m’a expliqué que les gens repeignent tous leur propre maison une fois par an, au printemps. On appelle ça « allattare i muri » (« allaiter » les murs). Ils utilisent simplement de la chaux et de l’eau et le résultat est assez épatant, mais éphémère !
L’église la plus grande est celle des « santi medici », les saints médecins, Cosma et Damiano qui sont les protecteurs de la ville. Deux bâtiments singuliers : le premier est une église, la chiesa Sant’Antonio conçue dans un trullo ! Le deuxième ce sont les « trulli siamesi ». On raconte que deux frères qui étaient comme les doigts de la main ont fait construire ce trullo siamois pour montrer combien ils étaient proches. Un jour, malheureusement, leur histoire est troublée par une femme dont tous deux tombent amoureux ! (ah, l’amour… !) Ils se disputent pur savoir lequel des eux aura la femme et tout cela se termine par une séparation du trullo qui est divisé en deux parties avec une entrée de chaque côté mais conserve cet aspect siamois.

Ce sont plutôt les Calabrais qui mangent des plats très très relevés mais Filomena m’a emmenée dans un des nombreux trulli souvenirs où deux amis à elle ne vendent presque que des produits à base de piment : confiture de piment, liqueur de piment, focaccia au piment… Ils sont jumelés avec Espelette et membres d’honneur de l’association des mangeurs de piments !
En se promenant, on a vu des panneaux qui indiquaient « vieni tra noi Maria » ou « vieni a casa mia » et Filomena m’a raconté que, pendant le mois de mai consacré à la Vierge, une statue de Maria voyage de maison en maison. Chaque habitant intéressé demande à avoir Maria chez lui pendant une journée et une nuit et tous les voisins viennent prier dans son salon. La propriétaire du jour nous a expliqué qu’elle était allée chercher Maria le matin dans un autre quartier et nous a invitées à venir voir son installation. Je suis sûre que cette tradition va amuser Jean !
Autre tradition amusante et perpétuée : « andare a cantare alle uova ». La veille de Pâques, les jeunes prennent de vieux fourgons ou camions, ou cars et partent tous ensemble dans la campagne. Ils s’arrêtent chez les paysans, dans leurs « masserie » et chantent une chanson en dialecte pour réclamer des œufs. Les paysans leurs donnent des œufs et eux leur jouent un peu de musique. Le lendemain, quand les chasseurs se reposent de leur longue nuit, le mamme préparent le repas de Pasqua, uniquement à base d’œufs frais !
En me ramenant à Locorotondo, Filomena m’a donné la recette de la ciambella, le plus classique des gâteaux pour petit déjeuner. 200 gramme de farine, 100 grammes de sucre, 3 œufs, un peu de lait (qb), un sachet de levure chimique, 100 grammes de beurre. Elle travaille ensemble le sucre et les œufs. Quand ça mousse, elle ajoute le beurre fondu, puis la farine, la levure et enfin le lait. Et hop, dans le moule au four.
(qb = quanto basta, autant qu’il faut, c’est l’unité de mesure préférée des Italiens !)
J’ai en trouvé une autre version, un peu plus sophistiquée, dans un livre de recettes, la ciambella di ricotta. 300 grammes de ricotta, 300 grammes de sucre, 300 grammes de farine, 2 œufs entiers, 1 sachet de levure chimique (ça porte ici le doux nom de pain des anges !), un sachet de sucre vanillé, un zest de citron, un verre de liqueur de citron. (Voici une façon d’utiliser la liqueur de citron rapportée d’Italie et qui traîne dans un coin parce qu’en France, ça ne vient à l’idée de personne d’en boire !! Il doit y en avoir chez toi Fab, qui reste de mon dernier déménagement !)
Alors, procédé : (c’est pas sorcier) mélanger tous les ingrédients, mettre dans un moule beurré et cuire à 180° environ 40 minutes. (le moule typique est celui en forme de couronne)
Voilà, le soir, mes charmantes voisines se sont battues pour savoir laquelle des deux m’apprendrait à faire les polpette alle uova. L’une des deux a insisté tellement hier que j’ai fini par accepter (je suis faible) qu’elle emporte mon linge sale pour aller le laver dieu sait où. Je l’ai étendu ce matin, ma garde-robe colorée avait un certain cachet sur les murs blancs de notre petite ruelle. J‘ai fini la journée au cinéma, Martin Scorsese m’a invitée à un concert des Rolling Stones ! C’est un petit cinéma associatif, prix d’entrée dérisoire (3 euros), ambiance familiale, et comme il se doit en Italie, entracte à la moitié du film (l’année dernière, le projectionniste qui m’avait formée pendant les vacances de février à côté de Parme m’avait expliqué que les machines sont trop petites en Italie pour supporter des bobines de la durée d’un film. Ils en font deux petites et doivent changer à mi-course).