venerdì 30 maggio 2008

« nuda son venuta e nuda me ne andrò »

Oups, j’aborde un chapitre délicat ! C’est parce qu’on m’en a beaucoup parlé ces derniers jours et que je continue à faire refléter avec fidélité ce que je vis ici.
Là, on sort du conte en pâte fimo !
L’argent c’est un des tristes problèmes de nos sociétés contemporaines. Qui n’en a pas et en donne à tout le monde, qui en a trop et attend qu’il se couvre de moisissure et qui opte pour une attitude neutre de demi-mesure.
La remarque la plus sensée que j’ai entendue ici, elle est venue de Filomena : « nuda son venuta e nuda me ne andrò » (je suis arrivée toute nue et nue je partirai). C’est une philosophie qu’elle ne partage pas avec la majorité, sans aucun doute.
D’une manière générale, les gens se plaignent de ne pas en avoir assez. Ils prennent une mine contrite quand on leur demande s’ils partent en vacances pour faire comprendre que, malheureusement, ce n’est pas possible : la maison à payer, les travaux à assurer, la petite dernière qui entre à l’université, le prêt pour la voiture. Pour en avoir plus, certains cumulent les emplois, d’autres font des heures supplémentaires.
Comme en France, me direz-vous.
Les « gratta e vinci » (les gratte et gagne, tout est dit !) sont arrivés ici avec un peu de retard par rapport à chez nous et connaissent un succès d’estime. Dimanche matin, quand nous sommes partis aux Tremiti, nous nous sommes arrêtés sur une air d’autoroute. A 7h du matin, mes yeux peinaient à s’entrouvrir et déjà, une dame pestait parce que le serveur ne pouvait pas lui payer son gain. Elle avait acheté un « Milionario », gratté avec une pièce et découvert qu’elle avait gagné 15 euros. Hélas, la machine du bar était cassée et elle a eu beau faire un esclandre, elle n’a pas pu récolter ses sous. On m’a expliqué qu’il existe un mythe du billet à gratter d’autoroute. Ce sont visiblement ceux qui ont le plus de chance de gagner. Voilà pourquoi dès potron minet, ils agitent leurs poignets avec l’espoir fou de devenir « milionario ». Magari…
Dans la même idée, j’ai constaté que plusieurs petits bars de Locorotondo sont équipés de machines à sous. On met un jeton, on tire sur une manivelle et on attend de savoir si la machine expulse une flopée de jetons dans un grand fracas (pour que tout le monde soit bien au courant) ou affiche simplement une phrase incitative du genre « essaye encore ». Je me suis trouvée là aussi en plein spectacle un matin où je prenais mon petit déjeuner. La seule table libre était celle juste à côté d’une des machines et un homme réunissait toute sa concentration pour jouer. Qui sait ? Peut-être que la vitesse à laquelle on tire sur la manivelle permet de gagner davantage. Je l’ai observé un peu comme une poule qui aurait trouvé un couteau. D’autant plus qu’il a du être particulièrement chanceux, enfin doué je veux dire, car sa machine a fait un vacarme incroyable : toutes les minutes, un enregistrement imitait le bruit d’une cascade dans la piscine de Picsou. A aucun moment il ne s’est retourné pour voir si quelqu’un observait ses gains multiples. Je suppose qu’il essayait de passer un peu inaperçu. Au bout d’un certain temps, il a changé de machine et il a continué un peu à jouer. Puis il est sorti, la tête haute, prêt à aller travailler. Probablement sur un chantier, si j‘en crois sa tenue (parfois, l’habit fait un peu le moine).
Vous voyez, on essaye beaucoup de stratégies pour arrondir les fins de moi et je passe sur les jeux télévisés seulement parce que ma connaissance en est trop lacunaire.
Ce qui est certain, c’est que les Italiens ont l’impression, et je l’ai constaté du Nord au Sud, en parlant avec des gens bien différents, d’avoir été parfaitement escroqués par un monstre qui a divisé par deux leur pouvoir d’achat : l’implacable et terrifiant euro. Impression probablement fondée, au moins en partie. La démonstration qu’on m’a faite plusieurs fois, je l’ai constatée moi-même et je la fais aussi quand ça se présente :
- Au temps des sacro-saintes lires, un café coûtait 1000 lires, un joli petit billet gris.
- Le taux de change de l’euro est très simple : 1 euro équivaut à 2000 lires.
- Au temps de l’Europe et des euros, un café devrait donc coûter 50 centimes d’euro.
- Or, un café coûte, en moyenne, 1 euro.
La démonstration est valable pour le pain, les chaussures, les maisons, les cartables, les dictionnaires, les chaises, … j’arrête là, la liste pourrait être longue !
Bien évidemment, comme on peut facilement l’imaginer, il existe une exception : le salaire !
Il n’a pas doublé. On doit donc continuer à acheter des choses qui coûtent deux fois plus cher avec un salaire équivalent. Voilà pourquoi les Italiens tirent la langue, voilà pourquoi les mammoni et les femmes de ménage étrangères (payées moins cher que des Italiennes) remplissent les maisons familiales.
Une parenthèse sur les revenus, justement. Après plusieurs conversations de-ci de-là, j’ai remarqué que beaucoup se considèrent victimes du système et pensent que la situation est plus belle ailleurs. Quand je tiens des conversations sur ces problèmes de pouvoir d’achat, après avoir dit que l’euro les a ruinés, les gens me demandent combien je gagne dans le but de démontrer qu’ils sont vraiment dans une situation difficile. J’ai longtemps cru qu’effectivement, nous, français, étions privilégiés en annonçant mon salaire. Et puis l’année dernière, à Parme, j’étais hébergée par la secrétaire de l’école qui tenait les comptes, Paola. Et en discutant avec elle, j’ai découvert que le salaire d’un prof français est équivalent au salaire d’un prof italien, même si ça ne semble pas être le cas à première vue. Je gagne 1700 euros, Anna 1500 (à ancienneté quasi équivalente). Mais, et c’est là que se trouve la subtilité, les Italiens ont la tredicesima (le treizième mois) et payent moins d’impôt sur le salaire. En outre, ils sont payés quand ils organisent des voyages à l’étranger (une somme modique semble-t-il).
Ce qui est certainement beaucoup plus difficile en Italie qu’en France, et beaucoup plus difficile dans le sud que dans le nord de l’Italie, c’est de trouver un travail. Les jeunes suent sang et eau pour dégoter un emploi de misère. Les gens ici se désolent des familles divisées par le travail. J’ai en tête quantité d’exemples d’un frère, fils, oncle, d’une sœur, fille, nièce, partis à Bologne, à Milan, à Turin in cerca di lavoro. Et ensuite, quand le travail démarre, comment faire pour redescendre ? On revient pour les vacances et on s’implante au nord, avec plus ou moins d’amertume…
Comment faire pour dynamiser une région que les jeunes doivent fuir contre leur gré ?
J’ai effectué un sondage dans les classes pour savoir grosso modo si les jeunes continuaient à utiliser le dialecte. La quasi-totalité des lycéens connaissent le dialecte, l’utilisent, et en sont fiers ! Si on leur demande s’ils se sentent européens, ils répondent avec superbe qu’ils sont « pugliesi ». Ils l’aiment leur région… et c’est pour cela que beaucoup finissent par choisir leurs études selon les possibilités offertes par la fac de Bari et trouvent de modestes emplois dans leur village. Ceux qui veulent travailler se résignent à quitter le pays.

1 commento:

Giovanni ha detto...

Très instructives, Marie, toutes ces considérations. Je crois que mes petits (si j'ose dire) de Cerdagne et de Capcir ressemblent beaucoup à tes "pugliesi".